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 Plume bleue et Plume bloquée

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Nashoba Ogier d'Ivry
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Nashoba Ogier d'Ivry

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MessageSujet: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeMer 2 Oct - 11:50

Un samedi après-midi d'automne comme un autre. Les passants profitaient d'un temps grisâtre pour déambuler dans les rues. L'air était chargé d'humidité. La pluie menaçait de tomber à tout moment. On se pressait, on s'entassait dans les boutiques et dans les cinémas en espérant échapper à l'averse. Comme souvent durant les week-ends, Nashoba se mêlait aux errements des vivants, ou de ceux qui comme lui se contentaient d'en avoir l'air. Il était rare qu'il s'aventure sur la rue principale car elle était généralement chargée de monde. Le zombi n'appréciait pas les bains de foule.

L'orage à venir lui avait dégagé un passage privilégié. Curieux de découvrir ce qu'était devenue cette ancienne artère, théâtre de nombreux événements de sa vie, il s'y était engouffré sans réfléchir. Bien mal lui en avait pris : découvrir que tout avait été rasé, qu'il ne reconnaissait plus rien, le plongea dans un mélange désagréable de détresse et de perplexité.

Il flottait au centre de ce sentiment, le nez levé en direction des bâtiments. Ses pas très lents frottaient à peine le pavé. Il n'avait ni la lourdeur ni la maladresse du mort-vivant standard car il buvait moderne, à une fréquence effrénée. Il ne devait son apathie qu'à ce triste sentiment qu'il vivait comme une atmosphère solide, épuisante alors qu'il luttait pour s'y mouvoir. Il respirait la nostalgie d'une existence trop vite perdue, enterrée par des siècles d'absence quand il n'avait fait que cligner des yeux. Il s'en emplissait les poumons. L'odeur de tourment tiraillait son cadavre, pourtant incapable de la moindre sensation.

Nathanael Ogier d'Ivry, auteur romantique avant l'heure. C'était la façon dont beaucoup de livres parlaient de lui de nos jours, mais le zombi ne le savait pas. Il n'avait jamais pris la peine de se renseigner quant à ce que la postérité avait retenu de lui, ou de son oeuvre. Il n'était pas certain d'en avoir envie.

Ses pas l'avaient naturellement amené là où son seul véritable asile s'était dressé, avant que la célébrité et le succès ne lui offrent le prestige d'une grande demeure. Était-ce bien ici ? Rien n'était certain. Dans cette ville devenue étrangère, il n'avait plus ses repères. Il avait la sensation d'avoir retrouvé son chemin, mais ce n'était peut-être dû qu'à la nature de ce bâtiment, par ailleurs trop récent pour lui avoir été contemporain.

Nashoba laissa distraitement ses doigts glisser contre le bois vermoulu. La peinture colorée s'écaillait. Il regrettait de ne pouvoir sentir les reliefs parler contre sa peau. Il se consolait en évaluant leur résistance, la façon dont ils demandaient à sa main plus ou moins de force pour frotter les moulures.

La Plume Bleue. Ce n'était pas la boutique d'Ignace, mais c'était sans aucun doute une librairie. Son apparence ancienne lui était rassurante. L'intérieur qu'il devinait au travers des vitres l'appelait bien trop pour qu'il l'ignore. Il poussa la porte du magasin. Le léger son de cloche ramena à lui bien des souvenirs.

Les rayonnages croulaient sous les ouvrages, lesquels s'imposaient sans équivoque comme seuls et uniques maîtres des lieux. Ils envahissaient les murs, les tables, et même certaines fenêtres. Ils n'obéissaient qu'à eux-mêmes, forts d'une organisation qui paraissait avoir été choisie par eux, pour eux. L'éclairage tamisé profitait du mauvais temps pour offrir à l'endroit un aspect  confortable et intime, tout juste comme Nashoba l'aimait.

Pour la première fois depuis longtemps, un sourire frôla les lèvres du jeune homme décédé.

Plus à l'aise qu'il n'avait l'habitude de l'être dans un nouveau lieu, il en prit immédiatement possession. Il omit, en revanche, de saluer le libraire, qu'il avait pris soin de ne pas regarder dans les yeux. Il s'avança naturellement en direction des bibliothèques les plus reculées. Sa notoriété s'était retournée contre lui depuis le moment où on l'avait assassiné. Réanimé, il la vivait encore comme une malédiction. Il passait son temps à se cacher car il préférait qu'on ne le reconnaisse pas.

Le maquillage et les cols roulés qu'il portait en tout temps masquaient efficacement ses nécroses. On ne devinait pas si facilement qu'il était un zombi. Cependant, le travail de mannequinat qu'il exerçait pour Belle Morte lui rendait l'anonymat compliqué... Il aurait probablement été moins reconnaissable s'il avait au contraire assumé son look défraîchi. Sa phobie des cadavres l'interdisait. Seuls ses cheveux blancs, mal reconstitués par la magie de mort, aux antipodes de son noir corbeau originel, lui permettaient de brouiller les pistes.

Ses yeux s'arrêtèrent sur une tranche particulière. Interdit, il s'agenouilla pour observer le livre de plus près. Il ne s'attendait pas à trouver ça ici. Il découvrit avec encore plus d'étonnement que c'était toute une collection, que l'étagère la plus proche du sol réunissait. Potentiellement l'entièreté de son oeuvre. Rien ne semblait manquer. Dès qu'il pensait à un titre, ce dernier lui sautait aux yeux.

Il sortit du rayon un exemplaire des Récits de la vie quotidienne, par Nathanael Ogier d'Ivry. Un "précieux recueil d'anecdotes d'époque par le point de vue rare d'un vodoun illicite aux origines choctaw intégré dans la haute société française, dont la sensibilité porte même le plus banal des faits divers aux frontières du poème. Une plume suave et organique dont le destin tragique n'a fait qu'accentuer la puissance."

La lecture de la quatrième de couverture lui arracha un éclat de rire silencieux. Le son, sifflant, s'était coincé au travers de sa gorge fendue. Comme c'était étrange... Il voyait mal comment il aurait pu accentuer la puissance de quoique ce soit du fond de sa tombe.
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Artémis Cyan
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeMar 8 Oct - 14:44

Cyan aimait les jours de grisaille. Premièrement (et prosaïquement) parce que les gens avaient rapidement tendance à venir flâner à l'intérieur des boutiques lorsque le soleil menaçait à tout instant de leur pleuvoir dessus. Généralement, sa clientèle (ou à défaut, sa compagnie) était bien plus nombreuse les jours de temps maussade.
Deuxièmement, parce que le manque de lumière solaire lui permettait d'allumer les lumières de la boutique, ici sur un guéridon, là perché sur une étagère. La pièce toute entière était éclairée par des plafonniers à la lumière douce ou des luminaires éparses, dessinant ombres et recoins dans la librairie. Le plaisir esthétique (et la satisfaction d'être à la tête d'une jolie boutique) n'était pas tout à fait négligeable.
Troisièmement, enfin, parce que les journées grisâtres se terminaient régulièrement par de la pluie le soir même. Et qu'il aimait particulièrement le son de l'eau sur son toit, résonnant dans un bruit de fond discret. C'était le genre de temps propice à la lecture, ou à l'écriture.

Cyan était assis derrière son comptoir, livre en main et lunettes sur le nez. Il était absorbé dans la lecture d'un énième roman historique, s'essayant à dénoncer les horreurs de 2010. C'était un assez vieux livre, et si la plume était maladroite par endroit, la volonté de bien faire était manifeste. L'ouvrage n'était pas bien épais, mais un petit symbole à lui tout seul. Ça avait été le numéro des ventes, à l'époque: et pour cause. Écrit par une étudiante de 21 ans américaine, le bouquin avait fait scandale. Cyan aimait le relire, à l'occasion.
Lorsqu'un client passait la porte, le libraire leur jeter un regard, et leur adressait un léger signe de tête. A la fois pour les accueillir, et pour leur indiquer que si jamais ils avaient besoin d'aide, il était là. Tout le monde ne prenait pas la peine d'accrocher son regard, bien qu'il soit juste en face de la porte. Il n'en prenait pas ombrage, et retournait immédiatement à son livre.

Très peu de personnes marchaient droit vers lui en entrant. La plupart répondait à son salut, avant d'errer un peu entre les rayonnages fournis, quitte à s'aventurer de nouveau près du comptoir avec un timide "Excusez moi ?".
Cyan ne semblait jamais dérangé. Il posait toujours cordialement son livre, pour relever les yeux vers son interlocuteur avec politesse. Il ne tiquait pas quand on lui demandait un livre. Parfois, il vérifiait rapidement sur son ordinateur si l'ouvrage était bien en stock, parfois il savait de tête.
A l'occasion, on lui demandait un rayonnage précis. C'était plus rare, mais ça arrivait. Cyan s'autorisait généralement l'ombre d'un sourire, dans ce genre de situtation.

"Excusez moi ?"

-Que puis-je pour vous ?

-C'est pour un projet de littérature. Je cherche des ouvrages de poésies anciennes. Spécifiquement, je me demandais si vous auriez ça.

Le jeune homme tira du fond de son trench un petit papier rectangulaire, sur lequel figurait trois titres. Cyan prit la liste, y porta un rapide coup d'oeil, puis prit sa canne, jusqu'ici pendue au comptoir de bois.

-Je vais vous chercher ça.

Gelt, son familier, était allongé dans un panier poussé contre le mur, derrière le siège du libraire. Il ne se réveilla pas lorsque Cyan se leva, mais bougea un tout petit peu. Cyan lui passa devant, et s'enfonça dans les rayonnages de la boutique. Il n'avait pas lu l'intégralité des livres demandés, mais passa rapidement ses rayonnages en révision. Il trouva le premier livre, et jeta un oeil à l'auteur du second. Nashoba Ogier d'Ivry. Il pivota, se rapprocha de la bibliothèque appropriée.

-Excusez moi.

Un jeune homme se tenait juste devant, en train de lire la 4ème de couverture d'un livre. Un jeune homme mort. Cyan n'avait pas tant besoin qu'il se pousse, mais il trouverait fortement grossier de se glisser à proximité de quelqu'un pour attraper quelque chose sur une étagère sans signifier sa présence au préalable. Il trouva la tranche de livre qu'il cherchait, puis parti à la recherche du troisième livre.
Il revint sous peu à son comptoir, et s’assit à son ordinateur. Il tapa quelque chose, et l'écran clignota en réponse. Cyan releva les yeux. Il n'avait pas enlevé ses lunettes, aussi regardait-il son client par-dessus la monture métallique.

-Je suis navré, je n'ai pas le dernier livre de votre liste. Je peux le commander, si vous le souhaitez.


Dernière édition par Artémis Cyan le Ven 1 Nov - 12:16, édité 2 fois
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Nashoba Ogier d'Ivry
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeMar 8 Oct - 22:18

Lire son propre livre... Ça avait quelque chose d'un peu indécent. D'orgueilleux, même. Nashoba n'avait jamais ouvert le moindre de ses volumes une fois les dernières modifications apportées à ses textes. Pourtant cette fois, il le fit. C'était différent. Mort, devenu incapable d'écrire, il avait l'impression de se confronter à l'oeuvre d'un étranger vaguement familier.

Il ouvrit les pages au hasard et se perdit dans la lecture d'une anecdote. Lentement, un sourire s'étala sur les lèvres du zombi. Cela le plongeait dans des souvenirs rassurants. Le texte était à la fois distant et gravé dans sa chair. C'était des mots qui n'auraient plus pu sortir de lui, mais des mots qui décrivaient sa vie. Soudain, l'écrivain eut l'impression de tenir son foyer au creux de sa main. C'était comme rentrer chez lui après une longue absence. Il voyait sous ses yeux défiler les personnages familiers, les lieux, les événements de la vie de tous les jours...

-Excusez moi.

Il ne l'avait pas vu ni entendu arriver. Surpris, Nashoba sursauta. Il leva les yeux sur le vieil homme et perdit un bref instant ses moyens. C'était peut-être ce qu'il venait de lire qui le chamboulait trop, car il eut une impression de familiarité particulièrement perturbante. Libraire, sec et chenu, il lui rappelait l'une de ses vieilles connaissances. Soucieux de ne pas être reconnu, Nashoba baissa la tête et se décala d'un pas sur le côté. Intrigué, il observa le boutiquier prendre dans les rayonnages un autre de ses ouvrages. Les Contes Naturels, un recueil de poésies toutes inspirées des extérieurs dans lesquels il avait grandi, puis vécu une bonne moitié de son existence.

Cela se vendait-il encore vraiment ? Tout ce temps plus tard, il y avait encore des gens pour s'intéresser à sa plume ?

Les royalties qu'il touchait chaque mois lui en donnaient une indication, mais il y avait une différence entre comprendre quelque chose rationnellement, et en faire l'expérience concrète. Au XXIème siècle tout était si différent, que cela soit le langage, les mentalités, la vie quotidienne... C'était tout bonnement incroyable que ses textes intéressent encore les lecteurs contemporains. Lui-même avait bien du mal à se faire au style des auteurs récents. Mais il fallait dire qu'il avait bien du mal à se faire à absolument tout de cette nouvelle "vie" qu'on lui avait imposée.

Distraitement, il s'était relevé. Il avait suivi le vieil homme sur quelques mètres, juste suffisamment loin pour rester caché dans un recoin derrière une étagère, mais pour avoir le comptoir bien en vue. Il était curieux de découvrir à quoi ressemblaient ses lecteurs. Celui-ci paraissait particulièrement jeune, ce qui l'étonnait encore plus. Le client grimaça avant de répondre :

"Mince... Mais oui s'il vous plaît, commandez-le. Je lirai les autres en attendant."

Il souleva l'exemplaire des Contes Naturels avec une curiosité contenue. Après avoir lu la quatrième de couverture, il commenta :

"C'est incroyable, cette histoire de zombi réanimé des siècles plus tard, vous ne trouvez pas ?"

Il marqua une brève pause avant de demander :

"Dites... Je me demandais. Quand un auteur comme Nathanael Ogier d'Ivry est relevé, bien après sa mort naturelle, après que son oeuvre soit passée dans le domaine public, que se passe t-il d'un point de vue légal ? Est-ce que les droits d'auteur sont immédiatement appliqués sur toutes les collections en vente, ou bien cela ne vaut-il que pour les éditions suivantes ?"

Mais avant qu'Artémis n'ait le temps de répondre à cette question, l'étudiant dressa son visage, intéressé par un point fixe, derrière le wiccan. Ce point fixe n'était autre que Nashoba dont le bout du nez dépassait des rayons alors qu'il espionnait les deux autres. Le zombi se crispa. Il avait pourtant cru être discret !

"Pardon. Vous voulez quelque... Chose.. ?"

Mais Nashoba avait déjà disparu. De dos, enfoui le plus profondément possible au fond de la pièce, dans un coin formé par deux bibliothèques, il avait rouvert son livre et faisait semblant de n'avoir jamais cessé de le parcourir.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeVen 1 Nov - 12:14

"Mince... Mais oui s'il vous plaît, commandez-le. Je lirai les autres en attendant."

Bruits de claviers. Clic de souris. Nouveau bruit de clavier.

-A quel nom ?

-Landry.

Nouveaux bruits de claviers. Le temps d'un chargement de page, puis deux clics successifs.

-Il devrait arriver au courant de la semaine prochaine.

-Parfait, merci.

Cyan tendit la main pour récupérer les deux autres livres, laissés sur son comptoir, et entreprit de les encaisser.

"Dites... Je me demandais. Quand un auteur comme Nathanael Ogier d'Ivry est relevé, bien après sa mort naturelle, après que son oeuvre soit passée dans le domaine public, que se passe t-il d'un point de vue légal ? Est-ce que les droits d'auteur sont immédiatement appliqués sur toutes les collections en vente, ou bien cela ne vaut-il que pour les éditions suivantes ?"

Cyan, sans lever les yeux, ouvrit la bouche pour répondre. Il les leva néanmoins, sentant l'attention de son client se relever subitement derrière lui. Il jeta un regard à l'étudiant, puis se retourna - juste à temps pour voir une silhouette se sauver derrière les rayonnages. Une silhouette à col roulé. Le libraire resta interdit pendant quelques instants, plissa les yeux, puis se retourna vers son client.

-Les exemplaires déjà en vente ont un prix fixé pour éviter des incidents financiers. La loi considère que les droits d'auteur ne s'appliquent effectivement qu'à partir des prochaines éditions, lesquelles voient leurs prix augmenter pour intégrer le coût engendré.

Nouveau bruit de clavier. Le jeune homme paya par carte bleue, lui souhaita une bonne journée et s'éclipsa. Cyan, lui, récupéra sa canne et s'aventura dans le fond de la boutique. Il jetait des regards à travers les rayonnages, cherchant quelqu'un pouvant potentiellement correspondre à ce qu'il avait vu. Ah. Là. Il collait à peu près.

-Puis-je vous aider ?

Le libraire avait prit soin d'arriver sans un bruit, dans le dos du lecteur, mais à distance respectable néanmoins. Cyan n'était pas au-dessus d'un petit coup de stress gentillet a qui épiait puis fuyait son comptoir, mais il ne voulait pas non plus traumatiser ses clients à grands coups d'arrêt cardiaque. Quoi que visiblement ce ne serait pas tant un problème pour ce client là en particulier. Le vieil homme ne sentait aucune aura, aucune magie: il mis quelques instants à reconnaître le mort-vivant planté tout à l'heure devant l'étagère poésie. Il avait quelque chose de vaguement familier, mais il n'aurait pas su dire quoi.

En y regardant bien, on pouvait deviner l'ombre d'un sourire légèrement moqueur au coin des lèvres du vieil homme, dissimulé par sa barbe et la lumière de l'endroit.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeVen 14 Fév - 19:48

Aïe. Il avait bien failli devoir quitter les ombres qu'il affectionnait tant depuis qu'on l'avait relevé. Se retrouver impliqué dans une discussion avec le propriétaire de la boutique ET un client en train d'acheter l'une de ses œuvres aurait été excessivement anxiogène. Le risque d'être reconnu était bien réel.

Il pensait s'être éclipsé à temps, quoiqu'un peu tard puisqu'il avait été remarqué. Il lui fallait garder profil bas jusqu'à ce que les curiosités éventuelles des deux hommes soient apaisées. En attendant, donc, il gardait le nez dans son livre. Il eut du mal à se concentrer, dans un premier temps, mais il ne lui fallut finalement pas grand chose pour être de nouveau happé dans l'univers que les mots lui suggéraient. Ce passé désormais lointain, c'était hier pour lui. Son assassinat brutal l'avait extrait d'un monde qui n'existait désormais plus que sur le papier. Ce monde lui semblait pourtant bien plus réel que celui dans lequel il évoluait quotidiennement.

Les noms de ses contemporains défilaient sous ses yeux... Tous morts depuis longtemps. Quelle étrange, quelle désagréable réalisation. Se réfugier dans le texte désormais figé ne faisait malheureusement pas que lui mettre du baume au cœur. Il laissa venir à lui la nostalgie car après tout, quelle différence cela faisait-il ? Avec ou sans cette lecture, il était perdu dans une modernité fatalement étrangère et déserte de toute présence connue. Elle avait un goût douceâtre, cette émotion. Cela faisait du bien autant que cela faisait mal. Retrouver son entourage au travers d'un récit, c'était probablement mieux que de ne plus jamais le retrouver du tout.

Nashoba s'était peu à peu tassé sur lui-même... plié en deux tout d'abord, puis véritablement accroupi, absorbé par sa projection mentale, par la visite de ce qu'il considérait encore comme son présent, poussiéreux et désormais inatteignable. Il avait posé son poing fermé sur sa bouche, elle-même cachée sous son col roulé. Il parcourait les lignes avec ardeur, les yeux emplis d'un voile brillant qu'on pouvait interpréter comme une marque de passion, ou de tristesse. Ou les deux.

Puis-je vous aider ?

Coupure inattendue. Il n'avait pas entendu le libraire arriver, et ne s'attendait certainement pas à ce qu'il lui adresse la parole. Le zombi sursauta et se tourna trop vivement pour que cela soit naturel : seul le Brain Juice était capable de lui donner ce genre de réflexes. La plupart des gens, incapables de voir au-delà de son maquillage  et de son déguisement, auraient simplement pensé faire face à un vivant. Cependant, Nashoba avait devant lui le Grand Mage de la Nouvelle-Orléans.

Bien sûr, le zombi n'en savait rien.

L'air coupable, il ferma le livre et en cacha instinctivement la couverture, pris de court et incidemment incapable de faire preuve de subtilité. Il en eut immédiatement conscience : ce n'était pas comme ça qu'il allait garder son identité secrète. Au contraire, son attitude fournissait des indices de taille à quiconque y serait attentif.

"Non ! Merci, je ne faisais que regarder. Je vais ranger ça au bon endroit."

Chose dont il avait peut-être moins conscience : son anglais encore très approximatif ainsi que son fort accent franco-choctaw, certes difficilement identifiable par une oreille du XXIème siècle, à l'exception de ses proximités avec le français cadien. Mais cette absence de référence claire ne pouvait-elle pas mettre encore plus la puce à l'oreille ?

Le regard fuyant, tourné de sorte à montrer le moins possible son visage, il emporta le volume avec lui afin de le remettre dans l'étagère des poésies "anciennes". Il aurait préféré rester, mais l'intérêt du libraire le mettait mal à l'aise, ce que son propre comportement suspect n'arrangeait pas.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeMer 29 Avr - 18:23

Cyan observa le « jeune » homme marmonner quelque chose dans un anglais un peu bancal, avant de s’éloigner en cherchant de toutes ses forces à ne pas le regarder droit dans les yeux. Une petite étincelle malicieuse passa dans les prunelles bleues du Wiccan et il lui emboîta le pas. Sa canne tapait discrètement sur le parquet de la librairie. Il obliqua à droite et disparu entre deux étagères – le tap tap de sa canne sembla s’éloigner.
De toute évidence, il n’allait pas au même endroit.

Le vieil homme laissa quelques pensées rouler sous crâne tandis qu’il naviguait au milieu de son labyrinthe de couverture colorées et de papier, additionnant différents éléments, les pesant tranquillement, les faisant rouler sous son crâne comme une gorgée de bon vin pour en déceler tous les arômes. L’accent, d’abord, ne lui était pas familier le moins du monde. Son réflexe de cacher la couverture. Sa non-vie. Son choix d’auteur. Une petite voix murmurait dans un coin de sa tête, lui mettant en tête que c’était a minima une coïncidence amusante. L’autre essayait de se rappeler le visage d’un poète mort depuis longtemps. Au bout d’un moment Cyan cessa de s’appuyer sur sa canne, s’aidant plutôt des étagères pour boitiller jusqu’à sa destination dans un silence incroyable. C’était un talent qu’on ne suspectait pas tant, mais le vieil homme savait être d’une discrétion impressionnante pour une soixantenaire devant se déplacer avec un bâton de bois à bout ferré.
Cette fois, il fit exprès de ne pas s’annoncer.

- J’ai une petite préférence personnelle pour celui-ci.

Sa main surgit, noueuse, dans le champs de vision de Nashoba, accrochée à un bras de chemise bleue. Il attrapa un recueil de poème sur une étagère, un peu au-dessus de la hauteur de ses yeux, qu’il délogea avant d’en observer d’un air innocent la couverture. Il retourna l’ouvrage pour en lire le résumé, en lettres blanches sur la couverture foncée.
Il s’était soigneusement assuré de doubler le zombi dans son itinéraire, et de s’approcher avec toute la discrétion du monde - … encore.

- C’est rare de voir quelqu’un d’aussi protecteur avec un livre. Peut-être moins qu’un visage coupable de lire un livre dans une librairie, cela dit.

Il releva les yeux vers Nashoba, et le dévisagea quelques secondes. Il observa les traits de son visage, et ses yeux bleus semblèrent lui percer le crâne malgré son expression parfaitement neutre.

- Si vous avez un peu de temps de lecture à vous accorder, il y a plus confortable qu’accroupi sur le sol de ma librairie pour lire.

Sa voix s’était un peu radoucie, et un sourire dansait derrière ses yeux. Il indiqua gentiment du menton un fauteuil de cuir libre, visible entre deux bibliothèques.

- Ne faites que regarder autant que vous voudrez. Je m’en veux un peu d’avoir interrompu votre lecture deux fois, alors que vous sembliez si absorbé. Même dans la quatrième de couverture, ajouta-t-il avec une pointe d’amusement dans la voix.

Il aurait probablement dû mettre la main sur une pancarte « Achat non-obligatoire » sur la porte. Et acheter plus de livre. Et devenir bibliothécaire, aussi, peut-être. Il avait choisi son métier précisément pour les personnes qui restent lire dans les librairies – pour ces personnes qui n’était pas que là pour les bouquins d’école de leurs enfants ou un cadeau sur le tard pour un grand-parent quelconque.Il haussa intérieurement les épaules. C’était un investissement à envisager. Voir même un plan de retraite. Si il finissait par se retirer de sa librairie.

Hin. Cyan mourrait probablement accroché à son comptoir, ou sûrement avant d’avoir à abandonné sa boutique. Mais ça n’était pas vraiment la question : une autre pensée lui traversa le crâne.

- Si cela vous intéresse, je dois avoir quelques vieilles éditions dans l’arrière-boutique. Enfin bref, si je peux vous aider pour quoi que ça soit d’autres, n’hésitez pas à me faire signe.

Il lui adressa un sourire, avant de reposer le livre sur l’étagère.

- Si je me suis trompé et que vous préférez vraiment être ailleurs… Je vous demande pardon pour ma grossièreté et vous souhaites une bonne journée. Excusez moi.

Le vieil homme lui adressa un signe de tête poli, l’air toujours aussi détendu - comme juste avant qu'un sourire ne fleurisse sur ses lèvres - avant de le contourner pour retourner à son bureau. Il agissait avec une forme de distance délicate, tranquille, mais il savait très bien qu’il observerait que choisirait le zombi – et qu’il se tiendrait à sa disposition avec toute l’attention du monde.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeDim 21 Juin - 20:04

Ce vieil homme avait un goût décidément inquiétant pour les espiègleries... Notamment celles qui prenaient la forme d'une embuscade et qui impliquaient qu'il apparaisse comme par magie dans son dos, quand Nashoba pensait avoir retrouvé la solitude rassurante, intime, sans laquelle il ne serait jamais permis le moindre nouveau choix de livre. Car ses choix de livre étaient trop suspects, et il ne tenait vraiment pas être être reconnu. La célébrité, il en avait soupé. De son vivant, il l'avait appréciée. Peut-être un peu trop. En fin de compte, elle ne lui avait presque apporté que des ennuis.

Pris la main dans le sac en train de ranger le recueil d'anecdotes dans son rayon, il se tourna en direction du libraire avec un air de panique - si ce n'est de culpabilité - qu'on aurait plus facilement attribué à un lapin pris entre les phares d'une voiture qu'au client moyen, venu pour lire ou pour acheter.

Une réalisation le frappa presque aussi subitement que les chocs précédemment causés par le propriétaire des lieux : il ne lui était plus possible de s'esquiver. Il n'était plus temps d'éviter le contact, la communication, ni même de masquer ses intérêts, rendus évidents par la subtile manipulation qu'il venait de subir.

A ce dernier sujet, il ne pouvait d'ailleurs pas vraiment en vouloir au vieil homme. Il se rendait maintenant compte de ce que son comportement pouvait avoir de curieux, d'intrigant, voire peut-être même d'alarmant pour n'importe quel commerçant surveillant sa boutique. Au mieux, il devait donner l'impression de s'être échappé d'un asile. Au pire, on le prenait pour un voleur.

... Ou encore pour un auteur connu venu profiter anonymement des lectures mises à disposition, mais qui se trouvait être particulièrement empoté lorsqu'il s'agissait de préserver le secret de son identité.

En d'autres termes il ne servait plus à rien de fuir, ou de s'effaroucher au moindre mot adressé à son encontre. Cela n'aurait fait que le desservir. Et, qui sait... Du positif ressortirait peut-être de cet échange. A moins bien sûr qu'il ne se fut complètement "grillé" (selon l'expression contemporaine consacrée à ce genre de situations). Il fallait espérer que son maquillage fut suffisant pour cacher sa non-vie, et que ses cheveux blancs effacent toute ressemblance avec les affiches exploitant son visage et sa silhouette. Elles étaient trop larges, trop nombreuses... Que n'aurait-il pas donné pour pouvoir résilier son contrat avec Belle Morte. Le mannequinat n'était vraiment pas fait pour lui.

"... Vraiment ? Je l'aime beaucoup aussi, mais c'est un choix... Inhabituel."

Artémis avait sélectionné l'un de ses ouvrages les plus tardifs. C'était aussi l'un de ceux dans lesquels Nashoba avait pris le plus de libertés par rapport aux normes de son époque. Par son style autant que par les sujets choisis - folklore, onirisme et thèmes sombres éloignés des valeurs cartésiennes portées aux nues par les grandes figures de la littérature francophone de son époque - il s'était éloigné des canons établis. Si le matériau de ces poèmes trouvait principalement racine dans les légendes choctaw qui avaient bercé son enfance, ainsi que dans les nombreuses histoires que lui avait conté Shango, il devait l'idée d'en coucher ainsi l'essence sur le papier à des courants tels que l'Empfindsamkeit, le Sturm und Drang, inspirations allemandes dont il n'avait pu s'imprégner que de façon bien imparfaite, barrière de la langue faisant. Si certaines traductions existaient, il n'avait pas forcément eu la chance de mettre la main dessus.

Ce qu'il ne savait pas, c'est que ce recueil bien mal accueilli à l'époque était devenu l'un de ses ouvrages les plus connus et les plus académiquement étudiés, justement parce que ce mélange d'influences, ces hybridations inhabituelles, n'avaient jamais fini de faire couler l'encre et les hypothèses.

- C’est rare de voir quelqu’un d’aussi protecteur avec un livre. Peut-être moins qu’un visage coupable de lire un livre dans une librairie, cela dit.

"Pardonnez-moi. Je ne suis pas à l'aise dehors. Et cette langue est encore un peu difficile... Ça me rend très nerveux. Je ne pensais pas à mal."

Preuve en était : il mettait du temps à formuler chaque phrase et butait sur de nombreux mots, ainsi que sur les formulations qui cependant, au bout du compte, finissaient par devenir à peu près correctes et compréhensibles.

Il prit son courage à deux mains et dressa enfin ses yeux marrons en direction de son interlocuteur. Bien mal lui en prit, car le vieil homme était justement en train de le fixer intensément. Le bleu perçant du regard adverse troua sans pitié le bouclier de carton pathétique qu'il venait de réussir à dresser entre ses émotions et le monde extérieur. Nashoba manqua encore de perdre ses moyens. Une nouvelle appréhension s'empara de ses prunelles sombres, rendues à leur teinte d'origine par les lentilles de contact. Un frémissement le secoua et il détourna les yeux sans pouvoir s'en empêcher.

Le libraire l'invitait désormais à prendre place sur un fauteuil pour lire si l'envie l'en prenait et c'était bien pratique, car cela lui fournissait un nouveau prétexte pour ne pas le regarder directement. Fixant distraitement la place confortable qu'on lui offrait, le zombi était tenté par deux options fondamentalement opposées : fuir avant de s'être trahi pour de bon, ou accepter la proposition.

- Si cela vous intéresse, je dois avoir quelques vieilles éditions dans l’arrière-boutique. Enfin bref, si je peux vous aider pour quoi que ça soit d’autres, n’hésitez pas à me faire signe.

... Il ne quittait plus ce fauteuil du regard. Installé entre deux murs de livre, au calme, à l'écart. Une étrange nostalgie se levait, comme une brise d'abord presque imperceptible puis de plus en plus puissante. Ses yeux perdaient leur ancrage à la réalité. Ils étaient désormais dans le vague. Happés par un reflet fantomatique presque plus tangible que ce que le monde physique avait à lui offrir. C'était cet exact même lieu, n'est-ce pas ? Non. Le bâtiment n'était plus le même. Ce qui ne changeait rien au fait qu'on l'invitait encore à découvrir les trésors de l'arrière-boutique. Un sourire tout à la fois triste et amusé souleva le coin de sa lèvre.

- Si je me suis trompé et que vous préférez vraiment être ailleurs… Je vous demande pardon pour ma grossièreté et vous souhaites une bonne journée. Excusez moi.

Non. Il ne voulait certainement pas être ailleurs. N'importe quelle librairie, n'importe quelle bibliothèque tenait plus du foyer pour lui que les restes modernisés de sa demeure. Angus - son affreux descendant - parvenait à en hanter les murs alors même qu'il était encore vivant.

Par ailleurs, ce n'était pas n'importe quelle librairie, n'est-ce pas ? Ni n'importe quel libraire.

Frappé par la stupeur, il fixait le commerçant, et il ne trouvait plus ses mots. Cet homme était le portrait craché d'Ignace - et ce n'était pas juste une question de physique. Bien sûr, la ressemblance était fortuite, mais cela ne la rendait pas moins troublante. La  tentation de se laisser bercer par la coïncidence et de se perdre dans cette illusion de familiarité n'avait jamais été aussi forte. Et tout compte fait, pourquoi pas ? Qu'avait-il à perdre ? Sa vie ? Déjà fait. Sa santé mentale ? Pas mieux.

La possibilité de refuser sans remord une séance de dédicace à son bienfaiteur inattendu ? Tsst. Ils n'en étaient pas là.

"... Non. Vous ne vous êtes pas trompé. Je... je vais rester. Merci."

Il se sentait étrangement motivé... C'était comme si le sentiment d'être revenu en arrière était parvenu à raviver quelque part au fond de lui une flamme, ou en tous les cas une flammèche. L'envie de lire n'émanait plus d'une image que Nashoba avait de la personne qu'il était censée être. Et comme le vieil homme venait justement de lui parler de son recueil de poèmes le plus controversé, il se rappelait maintenant de toutes ces lectures qui lui étaient restées inaccessibles, faute de traduction. Mais c'était une toute autre époque, maintenant, dont il commençait seulement à apprécier les possibilités étourdissantes. Tout était désormais traduit. Tout était désormais disponible, et de surcroît pour tout le monde.

Nashoba s'enfonça une fois de plus dans les rayons, à la recherche de certains ouvrages allemands datant de la seconde moitié du XVIIIème siècle. Il en trouva des traductions anglaises, mais bien sûr, ce n'était pas idéal. Sa maîtrise de la langue de Shakespeare était encore trop imparfaite. Nerveux, le zombi se rongea les ongles durant quelques bonnes dizaines de secondes. Il savait qu'il laissait beaucoup trop d'indices, mais il s'en souciait de moins en moins, car ses priorités étaient progressivement en train d'évoluer. C'était sa fougue d'antan qui revenait, et il n'aurait jamais imaginé cela possible.

... Oh. Et puis tant pis. Advienne que pourra. Il était bien incapable de faire ses propres achats sur internet et il ne voulait pas demander d'aide à Angus. Il avait l'impression qu'il pouvait faire confiance à ce libraire, alors il allait accepter son aide. Sa ressemblance avec Ignace était-elle en train de lui jouer des tours ? Peut-être. Mais tant pis. Malgré tout ce qui lui était arrivé, il préférait vivre avec des remords plutôt qu'avec des regrets.

Plutôt subitement, et avec une détermination qui n'était pas présente lors de leurs précédents échanges, Nashoba se présenta face au comptoir derrière lequel attendait le propriétaire de la Plume Bleue. Bien sûr, il était toujours terrorisé. Mais on pouvait avoir l'air tout à la fois déterminé et terrorisé. Il en était la preuve non-vivante.

"Excusez-moi. Vous prenez des commandes je crois ? Y a t-il une traduction française pour... ça."

Il déposa trois ouvrages sur le comptoir. Il devrait trouver autre chose à lire pour faire passer le temps, et trouver une raison de ne pas rentrer chez lui... Mais c'était un problème qu'il réglerait dans un second temps. Déjà, il fallait éteindre cet incendie qu'Ignace - pardon, cet homme qui ressemblait à Ignace - avait inopinément allumé.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeSam 25 Juil - 14:19

"Pardonnez-moi. Je ne suis pas à l'aise dehors. Et cette langue est encore un peu difficile... Ça me rend très nerveux. Je ne pensais pas à mal."

Cyan haussa légèrement les épaules, sans rien dire. Il se tenait là, au milieu de ses rayonnages entre lesquels sonnaient doucement une symphonie en bruits de pages mineur, le visage avenant et le regard patient. Sa malice et ses légères moqueries étaient érodée par son attitude polie : il aurait pût dire « Pas grave », mais son haussement d’épaule faisait largement l’affaire.

Il nota dans un coin de sa tête la façon dont le visage du (supposé) jeune homme fondit comme neige au soleil lorsqu’il essaya de le regarder dans les yeux, mais ne fit aucun commentaire. Il était curieux, à vrai dire, de cet étrange non-vivant qui arpentait sa boutique sans avoir l’air de trop savoir où se mettre.

"... Non. Vous ne vous êtes pas trompé. Je... je vais rester. Merci."

Cyan s’inclina légèrement, avec un étincelle de triomphe amusé dans le regard.

-Vous savez où me trouver, au besoin.

Le magicien fit demi-tour, reposa l’ouvrage qu’il tenait encore en main à sa place et disparut entre les rayonnages : même si la Plume Bleue voyait défiler son lot de personnages (ou de situations) hautes en couleur, ce n’était pas non plus si courant. Le nouveau venu semblait effectivement très nerveux :il semblait à ça de se ratatiner jusqu’à un point de diamètre zéro à chaque fois que le libraire s'approchait. Ça n’était franchement pas ses oignons, et le magicien aurait probablement dû garder son nez loin de ce qui ne le regardait pas, mais il fallait bien admettre que la situation avait sérieusement attiré son intérêt. Et c’était sans compter les suppositions auxquelles il arrivait en additionnant les multiples indices que le zombi semait à travers toute sa boutique comme un petit chemin de cailloux blancs.
Le libraire fut arrêté par une cliente avant de retrouver son comptoir et mit encore quelques instants avant de retrouver sa chaise. Son ordinateur jeta son reflet bleuté sur les lunettes qu’il avait renfilé. Ses longs doigts fins se mirent à courir sur le clavier, l’onglet de son navigateur indiquant le petit logo « Google Image ».

"Excusez-moi. Vous prenez des commandes je crois ? Y a t-il une traduction française pour... ça."

Cyan lança un regard un peu étrange au mort-vivant par dessus ses lunettes. Difficile de dire si il était amusé, vaguement incrédule, ou si il s’agissait seulement de la façon dont il regardait les gens quand il leur accordait toute son attention. Il jeta un œil aux tranches des livres, poussé vers lui sur le comptoir. Il se tourna vers son ordinateur, tapa quelques mots, releva les yeux vers le zombie, sembla hésiter une poignée de secondes puis retira ses lunettes.

- Suivez-moi.

Le magicien traversa à nouveau le magasin, longeant les rayonnages d’un pas décidé. Longeant une longue bibliothèque poussée sur le mur du fond, il passa par une ouverture bordée de livre. La porte de bois qui en barrait d’ordinaire l’entrée était grande ouverte, et un panneau fixé juste au-dessus indiquait « Section bouquinerie ».

L’arrière-boutique était une pièce de taille moyenne, à laquelle on accédait par un petit couloir. Cyan adorait cette pièce, quoi qu’elle soit très peu fréquentée : les stores étaient baissés, et une douce lumière légèrement dorée (sans source précise) se chargeait de l’éclairage ; une odeur de vieux papier flottait dans l’air et un vieux tapis aux couleurs chaudes avait été jeté sur le vieux parquet de bois. Malgré l’aspect apparemment grand ouvert de l’endroit, le parfum discret de la magie Wiccane flottait dans l’air, sensible seulement pour certains. Cyan protégeait ses vieilles éditions autant des ravages du temps et de l'air que des voleurs ou des clients maladroits. Il fureta quelques secondes dans les rayonnages beaucoup plus réduits puis s’arrêta et se retourna vers le zombi. Du bout des doigts, il tapota une étagère de bois sous une couverture un peu usée.

- C’est la seule traduction que j’ai sous la main tout de suite. Vous pouvez la lire sans trop de soucis ici, si vous le souhaitez – quoique je vous serais infiniment reconnaissant de ne pas la sortir de l’arrière-boutique.

La pièce était suffisamment large pour que deux vieux fauteuils confortables y tiennent sans être trop encombrés, malgré les étagères pleines à craquer qui tapissaient les murs et la table lourdement chargé qui trônait au milieu de l’endroit.

- Elle est aussi à vendre, bien sûr, mais rien ne vous empêche de la commencer ici, histoire de voir si la traduction n’est pas trop problématique à la longue.

Cyan baissa le bras et jeta un regard circulaire dans l’arrière-boutique. Si la Plume Bleue était calme d’ordinaire, cette pièce en particulier respirait la tranquillité et le silence, comme un bout du monde qu’on aurait isolé du reste.

- A mon avis, ça devrait aller. C’est une traduction en ancien français. ajouta le vieil homme d’un air innocent. Si elle ne vous convient pas, je peux vous commander les trois dans un français plus moderne.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeSam 1 Aoû - 12:01

Nashoba cligna fort des yeux, désarçonné. De toutes les réponses qu'auraient pu fournir le libraire à sa demande, "suivez-moi" était bien celle à laquelle le zombi s'attendait le moins. Dans ce XXIème siècle étranger, la Nouvelle-Orléans n'était plus que marginalement francophone. Nashoba demandait des livres qui ne devaient pas être excessivement populaires, et qui de plus étaient originellement écrits en langue allemande. Il était extrêmement improbable que le vieil homme ait déjà tout ou partie de ces ouvrages en sa possession. Et si le zombi avait bien compris un truc concernant l'époque actuelle, c'est que tout se passait sur "Internet", dorénavant. Le libraire avait certainement une connexion sur l'ordinateur du comptoir.

"..."

Simultanément circonspect et intrigué, il renonça à l'idée de poser des questions et se contenta plutôt de faire exactement ce qu'on lui avait dit : il suivit le vieil homme dans ses pérégrinations au travers des rayonnages, posant de temps en temps les yeux sur un livre, un nom d'auteur, un titre, une couverture qui avait attiré son attention.

Lorsqu'il fut évident que le libraire était en train de le conduire dans l'arrière-boutique, la nostalgie le frappa encore de plein fouet. Loin d'être désagréable, elle lui donnait envie de sourire comme un idiot. C'est sans doute ce qui arriva durant la seconde précédant le moment où il entra dans la pièce et en découvrit l'agencement à son goût parfait, ou presque. Le zombi avait tendance à préférer les endroits étriqués, plein de recoins où il pouvait se cacher. L'endroit était cependant raisonnablement isolé du reste de la librairie et les stores fermés suffisaient. Ils procuraient au zombi un sentiment d'intimité compact, et donc de sérénité. Le silence sans multiples parasites était lui aussi très apaisant. La luminosité qui semblait ne venir de nulle part lui mit la puce à l'oreille, mais il ne fit rien de ce détail. Il se contenta de le ranger dans un coin de sa tête, pour plus tard.

Il avait l'impression d'être entré dans la caverne d'Ali Baba. Ses yeux n'étaient pas loin de briller comme ceux d'un enfant, et il n'était pas au bout de ses surprises.

- C’est la seule traduction que j’ai sous la main tout de suite. Vous pouvez la lire sans trop de soucis ici, si vous le souhaitez – quoique je vous serais infiniment reconnaissant de ne pas la sortir de l’arrière-boutique.

Cela évoquait à Nashoba ce qu'étaient devenues les fêtes de Noël. Il avait l'impression d'être le sapin couvert de guirlandes sous lequel on plaçait les cadeaux par dizaines. Pour le moment, il n'osait pas y toucher, il peinait à y croire. Mais le sentiment d'excitation était rafraîchissant. Il n'avait rien ressenti de tel depuis qu'il était mort, il n'aurait même pas cru possible de retrouver cette émotion, proche d'un désir de vivre qui lui paraissait bien étrange à lui qui ne voulait généralement qu'une chose, soit qu'Angus le laisse enfin reposer en paix.

Il voyait à la couverture que l'ouvrage indiqué par le libraire était ancien. Le type de reliure lui était familier. C'était toujours très étrange pour lui de découvrir ces couvertures poussiéreuses, corrodées, ces papiers jaunis, avec des tranches parfois ravagées par le temps pour des contenus qui de son vivant étaient flambants neufs. Il hésitait. Si c'était vraiment une traduction d'époque, cela devait valoir une petite fortune et il n'était pas certain de pouvoir se le permettre. Angus "gérait" son argent (et ne lui en laissait donc qu'une portion ridicule pour ses achats personnels).

"Je peux vraiment rester ici ? Ça ne dérange pas ?"

Il avança sa main en direction du livre, interrogeant le vieil homme d'un regard timide et dont la signification était sans équivoque : "Je peux ?".

Il ouvrit prudemment l'ouvrage et eut presque instantanément l'impression d'être tombé sur un trésor. Dans la caverne d'Ali Baba, quoi de plus normal. Captivé, il but les premières lignes avec une facilité stimulante. C'était bien plus que tout ce qu'il avait espéré.

"Si elle ne vous convient pas, je peux vous commander les trois dans un français plus moderne."

"Non ! C'est parfait. Vraiment, merci."

Réponse trop rapide et trop enthousiaste qu'il regretta presque immédiatement. Si il avait voulu dire au libraire "je lis plus facilement l'ancien français que le français moderne", il ne s'y serait pas mieux pris. Perturbé, il revint mentalement sur une précédente déclaration.

"A mon avis, ça devrait aller. C’est une traduction en ancien français."

Il coula un regard hésitant sur Ignace... Non, pas Ignace. Mais un inconnu certes très généreux lui aussi. Après réflexion, il n'était pas anormal que cet homme le pense capable de lire "l'ancien français" facilement : il l'avait vu perdu le nez dans ses propres livres, eux aussi rédigés dans cette langue désormais passée de date. Ses ouvrages n'étaient certainement pas plus faciles d'accès que celui qu'il avait en main.

Il ne s'était peut-être pas encore grillé à ce point. Il avait quelques doutes, cela dit.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeMar 9 Mar - 16:25

Le temps passa dans l’arrière-boutique sur la pointe des pieds, et avec une discrétion qu’on lui connaissait rarement. A l’exception peut-être du bruit des pages du livre que tenait Nashoba et des lointains grincements de parquet, un silence de velours semblait s’être lové entre les quatre murs de la pièce si confortablement qu’il en aurait presque ronflé. Cyan considérait la Plume Bleue comme un coin un peu reculé du monde, et avait toujours fait en sorte que ses clients soient du même avis. L’arrière-boutique, en revanche, était un véritable sanctuaire aux murs de papiers, de cuir et de bois. Quand le vieil homme passa de nouveau la porte, le discret tap-tap de sa canne et le léger bruissement de sa veste, lorsqu’il s’assit sur le deuxième fauteuil, se mêlèrent sans le moindre soucis à l’ambiance de la pièce : si le silence avait ronflé, ce serait probablement ce genre de bruit qu’il emettrait.

Cyan avait choisi un vieux club de cuir usé, presque parallèle à celui du jeune zombi. Un petit meuble rectangulaire, juste à côté du fauteuil, présentait fièrement une suite d’ouvrages de même taille et du même auteur, consciencieusement tenus debout par deux serre-livres stylisés de manière vaguement végétale. Le libraire les ignora et se pencha au-dessus de l’accoudoir. Il y eut le clic d’un loquet tiré, puis le grincement discret d’une porte de placard.
Il en tira un petit thermos bleu ayant probablement vu de meilleurs jours, qu’il posa sur le meuble. Il marqua un temps d’hésitation, jeta un bref regard pensif à Nashoba. Finalement, il referma le battant. Cyan dévissa le bouchon du thermos, avant de le remplir d’un liquide sombre et fumant dégageant des volutes de bergamote et de thé noir. Puis, il tira un livre de la poche intérieure de sa veste, l’ouvrit à la page marquée par une bande de tissu rouge un peu élimée et ne bougea plus que pour prendre, à des moments de plus en plus espacés, une petite gorgée de thé.

Le vieil homme semblait nager dans son élément, dans la boutique. Non seulement par son apparence physique (ses cheveux blancs et son style du siècle dernier), mais aussi par le fait que ses gestes tendaient à se fondre dans l’aspect général de l’endroit, à la manière d’une symbiose particulièrement étrange : il était discret, poli, et chaque mouvement était rodé par une dose savante d’habitude. Cyan semblait être une extension de la vieille librairie – les bruits qu’il faisait n’étaient pas plus dérangeant que ceux des clients dans la pièce principale ou ceux de la rue, au-delà des murs. Certains soupçonnaient l’usage de magie, sans trop de preuves.

Le temps repassa en essayant de se faire encore plus discret, effleurant à peine le parquet et avançant à pas précautionneux.
Le libraire arriva à la fin de son chapitre et marqua une pause. Il baissa un peu son livre et prit une nouvelle gorgée de thé. Son regard, un peu pensif, bondit au dessus du bord du récipient et traversa la pièce pour se poser sur Nashoba. La tasse métallique cliqueta doucement lorsqu’il la reposa sur le meuble.

- L’ancien français a l’air de vous convenir plutôt bien.

Le libraire avait posé son propre livre sur ses genoux. Il l’avait laissé entrouvert, marquant la page où il s’était arrêté avec son pouce ; le fermer avec le marque-page aurait montré sa volonté d’arrêter sa lecture : pour l’instant, le vieil homme était sur un entre-deux, laissant une chance à un peu de conversation qu’il pouvait arrêter aussi soudainement qu’il l’avait commencé.
D’un côté, il ne voulait pas vraiment empêcher le zombie de lire. Pas après leur petit jeu pour le convaincre de rester. De l’autre, il était curieux (« comme toujours », grommellerait son Jiminy Criquet si il en avait un).
Il eut un petit mouvement de tête vers la tasse qui ne fumait plus vraiment, sur le meuble à sa gauche, avec une moue d’excuse.

- Je ne vous propose pas de thé, j’imagine.

Il l’observa un court instant. Cyan avait une relation un peu floue avec le tact – quelque chose de l’ordre de « je t’aime moi non plus ». Il y arrivait régulièrement de poser des questions un peu indiscrètes de but en blanc, et il arrivait souvent qu’il en tire des réponses plus intéressantes qu’en passant par des sentiers balisés de conversation. Quand ça vexait, le fait d’être un vieil infirme lui permettait de s’en tirer sans trop de soucis.
Quelques fois, il faisait attention: avec l'âge (et surtout à force de sauter à pieds joints dans tous les plats qui passaient à proximité), il avait appris à aborder autrui avec un minimum de délicatesse. Plus jeune, il avait tendance à pointer du doigt (sans vraiment s'en rendre compte, et souvent avec toute la candeur du monde) des problèmes noeuds et régulièrement traumatique. Depuis, il faisait attention. Quelques fois.
Cyan baissa les yeux et rouvrit son livre.

- Vous écrivez toujours ? lâcha-t-il innocemment, main sur sa tasse.

Ce n'était pas une de ces fois.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeDim 30 Mai - 15:52

Nashoba s'était avancé dans la direction d'un fauteuil, sur lequel il s'était installé. Le libraire l'avait laissé seul avec les mots couchés sur les pages jaunies de l'ancien ouvrage. Seul avec ses souvenirs fantomatiques, qu'il voyait presque miroiter dans son champ de vision et frôler nerveusement sa peau morte. Cette matière spectrale lui semblait plus dense encore que celle à laquelle il avait réellement accès.

Les véritables esprits l'observaient peut-être, mais ils ne pipaient mot. Sans doute avaient-ils décidé qu'il ne fallait pas déranger Nashoba, qui profitait d'un moment tel qu'il n'aurait plus pensé pouvoir en vivre. Le zombi était pourtant presque certain de sentir leur satisfaction souriante suspendue quelque part au-dessus de sa tête. Ou peut-être ne s'agissait-il que de la sienne propre...

En cet instant incroyable, il n'était pas loin d'oublier qu'il était mort. Ses sensations absentes ne suffisaient plus à inhiber l'univers intense qui dormait en lui et dont la lecture attisait les braises encore fumantes. Nashoba les avait crues définitivement éteintes. Pourtant, il reprenait vie, il rajeunissait, les siècles qui le séparaient de sa première existence s'amenuisaient progressivement, tels le niveau d'un sablier.

Captivé par le livre qu'il tenait entre ses mains, il le dévorait à un rythme proportionnel à cette passion retrouvée. Les gestes par lesquels il tournait les pages, quoique progressivement plus fréquents, restaient très délicats. Le zombi était conscient de la valeur et de la fragilité de la relique. Il avait toujours voué aux livres un respect quasi-religieux. Il traitait donc la pièce qu'on lui avait confié avec la plus grande des déférences.

Il oubliait où et quand il était. Bientôt, Nashoba se trouvait dans son coin favori de la boutique d'Ignace, plongé dans le fond de son fauteuil attitré. Le livre calé sur ses genoux, il avait adopté l'exacte position qui avait été sienne durant les innombrables heures passées chez son mentor. Il était confortable en lui-même à défaut de pouvoir ressentir ce confort physiquement. L'environnement familier lui donnait l'impression d'être moins perdu dans le temps et dans la non-vie qu'il n'avait pensé l'être.

Apaisé. C'était rare.

A une certaine strate de conscience, il craignait le moment où ce bien-être s'effondrerait. Car tout cela n'était évidemment rien d'autre qu'une illusion provisoire.

"L’ancien français a l’air de vous convenir plutôt bien."

Nashoba ne fut pas loin de sursauter. Sans doute l'aurait-il fait si les zombis avaient été prompts à ce type de réflexes, que même le brain juice ne restaurait pas toujours parfaitement. Le vieil homme avait été si discret et le jeune mort si concentré que c'est à peine si le dernier avait remarqué le retour du premier.

Le zombi ne sut pas tout de suite quoi répondre. C'était dur, de justifier sa maîtrise du français du XVIIIe siècle sans trahir complètement son identité. Il se contenta de répondre par un sourire agréable puis il détourna les yeux, embarrassé. Il savait que c'était suspect, mais il était incapable d'improviser un beau mensonge pour détourner les soupçons du libraire. Il n'en avait pas envie non plus. Cet homme avait été généreux à son égard. Nashoba rechignait à le remercier par une tromperie.

"Je ne vous propose pas de thé, j’imagine."

Oh. Ses yeux suivirent le chemin exactement inverse à celui qu'ils avaient précédemment tracés et ils se plantèrent, aigus, dans ceux du libraire. Maquillé comme il l'était, Nashoba ne ressemblait pas à un zombi. Pourtant il était clair que son interlocuteur avait compris qu'il n'était pas vivant. Ca lui arrivait de temps en temps, bien sûr : un certain nombre d'outres pouvaient voir sans problème au travers de son déguisement.

... Mais il était aussi possible qu'on l'ait reconnu. Il y avait un certain nombre d'indices qui allaient en ce sens, n'est-ce pas ? Pourquoi cet homme lui aurait-il proposé de lire une copie de valeur en ancien français dans son arrière-boutique s'il ne soupçonnait rien ? Et pourquoi aurait-il insisté plusieurs fois à cet exact sujet ?

"Merci... Mais non, en effet. Malheureusement, je n'en sentirais même pas le goût."

A quoi bon s'en cacher, désormais qu'il était presque certain que c'était trop tard ?

La confirmation vint. Nashoba cilla mais se rendit compte qu'il n'était effectivement pas surpris.

"Vous écrivez toujours ?"

... Et puisqu'il n'était pas surpris, il ne paniqua pas. Le libraire avait réussi le pari improbable de le mettre en confiance. Dans cette pièce, Nashoba se sentait en sécurité. Le souvenir de ses temps de lecture dans la librairie d'Ignace étaient encore très présents. Il se sentait donc plus proche de son ancienne personnalité. Plus vivant, et moins timoré.

L'un des coins de ses lèvres se souleva nerveusement et il émit un éclat de rire muet, soufflé, disparu presque aussi vite qu'il était né. Fixant le livre qui était encore sur ses genoux, il hésita quelques instants sur sa réponse, mais il commenta finalement :

"... Je crois que je ne suis pas très bon à ce jeu d'anonymat."

Force était de constater qu'il se faisait griller bien plus souvent qu'il ne l'aurait voulu. Bien sûr, Angus ne l'aidait pas, comme il le forçait à afficher son visage partout en travaillant pour cette agence de mannequinat. La couleur de cheveux ne suffisait pas toujours à faire illusion.

"Non. Actuellement, je n'y arrive plus. Se réveiller plus de 250 ans plus tard peut laisser ce genre de séquelles je suppose..."

L'humour était une bonne alternative à l'embarras.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeDim 6 Juin - 11:52

- Ou alors, je suis un inspecteur particulièrement doué. Ce serait presque offensant que vous n’admettiez pas cette possibilité.

Cyan avait répondu du tac au tac, sur un ton tranquille. Il n’avait pas tiqué, ni cillé, et en vérité ne semblait pas offensé le moins du monde par la remarque de Nashoba. La pique était légère, sans vrai impact ou contenue : elle était plutôt destinée à étirer un peu ce bout de sourire qui bourgeonnait au coin des lèvres mortes qui lui faisaient face.

"Non. Actuellement, je n'y arrive plus. Se réveiller plus de 250 ans plus tard peut laisser ce genre de séquelles je suppose..."

- Vous voyagez dans le futur, pourtant. Ray Bradbury avait l’air de trouver ça suffisamment inspirant pour écrire des romans.

Le vieil homme dansait sur un fil. Sa voix était un mélange savant de curiosité et de politesse distante, rehaussé d’une infime pincée de compassion. Il semblait détendu, et il parlait doucement, sur un ton presque badin.
Il ne cherchait ni à revendiquer que la condition d’homme mort devait être fantastique, ni à en faire une critique à demi-mot. Il soulignait simplement l’aspect paradoxal de ressentir une « vie » des siècles après la mort comme une chose étouffant la plume, alors que tant d’autres (qui n’avaient jamais connu ce fameux futur) en avaient fait une source encore inépuisée de matériaux littéraire. Ce n’était pas un reproche : Cyan reconnaissait volontiers que la condition de zombi laissait beaucoup à désirer.

- J’espère que le monde moderne présente d’autres agréments, en tous cas.

Le vieil homme était un peu surpris de la situation dans laquelle il s’était (volontairement et tête baissée) laissé embarqué. Il discutait tranquillement dans son arrière boutique avec un poète mort depuis 250 ans, ramené sur Terre par une magie qui l’intriguait autant qu’elle le repoussait. Cyan avait connu quelques zombis au fil de sa vie, mais il avait rarement eu l’occasion de s’asseoir pour une discussion du genre.
Il était perplexe. D’un côté, la non-vie s’annonçait comme une occasion sans pareille de découvrir le monde sous un nouvel angle, d’assister aux futurs dont le présent parle souvent de manière anxieuse. De l’autre, c’était rompre avec un des principes fondamentaux du monde, se jeter sous le joug de quelqu’un de plus ou moins bien attentionné, et se transformer en carcasse ambulante. D’accord, on pouvait soulever une voiture à bout de bras, mais c’était difficilement comparable avec la vie obtenue à la première naissance.
Cyan baissa les yeux vers le livre que Nashoba tenait entre les mains, pour l’instant ouvert sur ses genoux.

- Ceci, par exemple.

Le libraire tendit la main vers sa tasse métallique, et prit une petite gorgée de thé. Lorsqu’il parla à nouveau, sa voix s’était faite très légèrement plus distante, comme si ses mots ne savaient pas très bien si ils devaient s’adresser à Nashoba ou à Cyan lui-même.

- Je reconnais cela dit bien volontiers que notre époque n’est pas la meilleure qui soit pour exister en tant qu’Outre.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeJeu 10 Juin - 13:11

Ou alors, je suis un inspecteur particulièrement doué. Ce serait presque offensant que vous n’admettiez pas cette possibilité.

Le librairie parvint sans problème à ses fins : le sourire de Nashoba devint effectivement plus franc, et une lueur de malice humble passa dans les yeux du mort. La situation confidentielle dans laquelle le vieil homme et lui se trouvaient le mettait plus à l'aise qu'il ne l'aurait cru possible. Force était de constater qu'il appréciait son humour.

"L'un n'empêche pas l'autre..."

Les réflexions suivantes effacèrent ces timides marques de positivité au profit des nostalgie et mélancolie auxquelles l'ancien écrivain était bien plus volontiers sujet. Il ne connaissait pas Ray Bradbury - mais il commençait à prendre l'habitude de ne rien connaître d'emblée de ce dont on lui parlait. Le sujet d'un voyage dans le futur pour un roman lui paraissait étrange, singulier. De son vivant, une telle idée ne lui serait jamais venue, même s'il avait écrit sur des thèmes légendaires et surnaturels dans le cadre de fictions qui dépassaient ce qu'il connaissait d'une réalité pourtant plus magique que ne l'envisageaient les normes de son époque, tenus dans l'ignorance. Il parvenait à en comprendre intellectuellement l'attrait, mais il ne se voyait pas transformer son vécu désastreux en fiction. Ce n'était par ailleurs pas juste une question de culture et d'affinités créatives :

"L'imaginer et le vivre, c'est très différent. La réalité est loin du fantasme."

Pensif, Nashoba releva la tête pour soutenir le regard du libraire. Il aurait eu beaucoup à dire sur ce sujet, mais il hésitait. Qu'était-il prêt à partager avec un inconnu ? Bien sûr, le monde entier lui étant devenu inconnu, s'il voulait se confier, il n'avait que peu d'options. Ce qu'il avait à dire intéressait-il vraiment son interlocuteur ? Si ce n'était qu'une question polie, Nashoba n'avait pas envie de l'ennuyer en s'étalant trop longuement sur le drame personnel que constituait sa non-vie.

"Je suis mort très brutalement, sans m'y attendre. Imaginez vous.. endormir contre votre volonté" il lui épargnerait les détails peu ragoûtants, mais passa involontairement les doigts au niveau de sa gorge, à l'endroit où le col roulé cachait la plaie béante dans sa gorge. "... puis vous réveiller d'un coup pour découvrir que le monde que vous connaissez n'existe plus. Je suis désorienté, et je suis en deuil. Ce n'est pas un état idéal pour créer."

Il avait parlé lentement, en cherchant ses mots. Son niveau d'anglais devenait progressivement meilleur, mais il était encore incapable de partager avec fluidité des informations aussi complexes. Peut-être pouvait-il d'ailleurs aborder ce sujet pour éviter que la discussion ne sombre dans quelque chose de trop glauque et de trop personnel. Il n'était pas certain d'avoir envie de parler des soucis de mémoire et de personnalité qu'avaient causé sa réanimation trop tardive. Il n'était probablement pas de bon ton non plus qu'il détaille la nature des deuils qu'il avait mentionné. Tout de suite, il pensait à ses enfants, qu'il n'avait pu voir grandir. Ca le perturbait atrocement de savoir qu'ils avaient eu des vies entières en son absence, puisqu'ils étaient morts à leur tour. Avec un sourire fragile, il baissa les yeux sur le livre qu'il tenait encore.

"De toute façon, mon style est passé de date, et... mes langues natives aussi."

"J’espère que le monde moderne présente d’autres agréments, en tous cas."

Il n'eut au premier abord aucune réaction, comme il était incapable de former une réponse spontanée. Nashoba ne pouvait pas l'expliquer car son lien à Angus l'empêchait, mais il s'était retrouvé dans ce monde moderne contre les volontés qu'il avait formulées de n'être jamais réanimé. Il détestait cette non-vie qu'il subissait. Le monde moderne avait ses avantages et ses inconvénients, mais Nashoba s'en sentait complètement détaché. Ce n'était pas son monde. Il fallait malgré tout admettre qu'il éprouvait de l'intérêt à plonger son nez dans les livres historiques pour découvrir et comprendre tout ce qu'il avait manqué tandis qu'il était mort. Malheureusement, il trouvait la plupart des évolutions qui avaient eu lieu profondément désespérantes.

"Ceci, par exemple."

Nashoba n'était pas certain de comprendre. L'ouvrage qu'il tenait et que l'homme prenait pour exemple était tout sauf le fruit du présent. A l'instar du zombi lui-même, c'était une relique du monde auquel l'écrivain avait appartenu. Peut-être son interlocuteur voulait-il lui parler de la lecture de façon plus générale et de la possibilité qui lui était offerte de découvrir des ouvrages écrits bien après son époque. Une fois de plus, Nashoba comprenait intellectuellement l'intérêt que cela aurait pu avoir pour lui, s'il avait été une personne différente. Malheureusement, il tenait trop à la vie qu'on lui avait arraché. Le sentiment le plus récurrent qu'il avait lorsqu'il découvrait les richesses de ce futur étranger, c'était de l'amertume et de l'égarement.

Il avait mis trop de temps à chercher quoi répondre, et le sujet de la conversation changea, le laissant à nouveau mitigé.

"Je ne sais pas si mon époque était meilleure. Je n'ai jamais été très accepté. C'est vrai qu'être outre n'était pas mon principal problème. Et il y a avantages et inconvénients à vivre caché. Mais d'une manière, j'ai l'impression que les choses n'ont pas tellement changées... Les pratiques vaudouns étaient connues et interdites, comme beaucoup de la culture des esclaves. Les réunions étaient secrètes. Il y avait aussi beaucoup de... superstitions. Est-ce que ce mot existe en anglais ?" Regard peu assuré sur le libraire à la recherche d'une confirmation. "On était prompt à des jugements barbares. C'est peut être devenu plus facile pendant la période où votre monde a cessé de croire..."

Il marqua une brève pause.

"Mais c'est vrai que ce qu'il se passe aujourd'hui est terrifiant, car tout est devenu systématique. Nous sommes fichés et personne n'y réchappe."

Fixant le librairie quelques secondes de plus, Nashoba éprouva subitement un sentiment de culpabilité lancinant. Cela faisait très longtemps qu'il n'avait pas autant parlé, et pour cause : son manque de maîtrise de la langue anglaise était extrêmement handicapant. Il craignait d'être ennuyeux avec son débit laborieux et ses hésitations, tandis qu'il cherchait ses mots et les tournures de phrase adéquates.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeVen 20 Aoû - 22:03

Cyan avait posé son livre. Il l’avait fait il y a un moment déjà, à une évolution près : il avait marqué sa page d’un bout de tissu, et avait posé sa main sur la première de couverture. De toute évidence, il n’avait plus vraiment l’intention de reprendre son roman.

"Je suis mort très brutalement, sans m'y attendre. Imaginez vous.. endormir contre votre volonté... puis vous réveiller d'un coup pour découvrir que le monde que vous connaissez n'existe plus. Je suis désorienté, et je suis en deuil. Ce n'est pas un état idéal pour créer.

- Ce qui n'a sûrement pas été un problème pour le courageux descendant qui vous a réanimé pour vos beaux yeux, j’en suis sûr," lâcha-t-il laconiquement.

Il se tenait assis bien droit, les yeux rivés sur Nashoba. Si son expression faciale était détendue, tout indiquait qu’il écoutait le moindre mot qui parvenait à ses oreilles - il était aussi attentif que possible. C’était plus difficile de lire ses émotions ou ses réactions, mais la froideur du libraire avait quelque chose de presque rassurant : il n’avait l’air ni ennuyé ni agressif ; il écoutait simplement quelqu’un qui avait manifestement besoin de parler un peu, et il écoutait avec attention.

" Votre style a encore de quoi attirer l’oeil et l’oreille, et ça ne serait pas la première fois que la mode reviendrait sur ses pas.

- Je ne sais pas si mon époque était meilleure. Je n'ai jamais été très accepté. C'est vrai qu'être outre n'était pas mon principal problème. Et il y a avantages et inconvénients à vivre caché. Mais d'une manière, j'ai l'impression que les choses n'ont pas tellement changées... Les pratiques vaudouns étaient connues et interdites, comme beaucoup de la culture des esclaves. Les réunions étaient secrètes. Il y avait aussi beaucoup de... superstitions. Est-ce que ce mot existe en anglais ?"

Cyan hocha silencieusement la tête, l’invitant à continuer.

"On était prompt à des jugements barbares. C'est peut être devenu plus facile pendant la période où votre monde a cessé de croire...

- J’aimerais bien. Les superstitions sont multiformes, comme les jugements barbares, et l’époque moderne en a à sa propre sauce."

Le vieil homme dévisagea le zombi un court instant. Il l’écoutait parler, relativement silencieux et assez curieux d’avoir ouvert ce flot de discussion. Il avait pensé à se dire « heureux », mais ça n’était pas un adjectif à l’ordre de la conversation.
Le vieil homme inclina un peu la tête, baissant les yeux pour la première fois depuis qu’ils avaient relancé la discussion.

" Toutes mes condoléances. Sincèrement."

La magie vaudoun l’intriguait, comme les zombis : c’était une expérience curieuse que de vivre dans un autre temps que le sien, qu’il aurait pensé un tantinet plus stimulante que ce que traversait Nashoba. Cyan avait eu l’occasion de discuter avec un ou deux autres réanimés et chacun lui avait rapporté un vécu drastiquement différent de celui des autres. Ce qui lui laissait quelques questions en tête, qui avaient peut-être un peu plus leur place dans une discussion civile que les autres qui flottaient sous son crâne (Un meurtre ? Par qui ? Pourquoi ? Avez-vous des souvenirs de l’autre côté ? La résurrection semblait-elle instantanée, ou y-a-t-il eu une forme de latence ? Si on vous a ramené, c’est par sentimentalisme ou pour l’argent ? Avez-vous expérimenter des effets secondaires – après tout, votre résurrection n’est pas banale).

" Si je peux me permettre une question indiscrète… vous étiez pratiquant Vaudoun. Vous priiez les Loas, vous rappeliez les morts. Être un zombi fait partie de vos croyances. Vous vous attendiez à autre chose, en revenant à la vie ? Les problèmes que vous soulevez sont compréhensibles : pourquoi vouloir risquer la réanimation, dès lors ?"

La question était coupante, mais au moins était-elle honnête. Si Cyan concevait l’aspect attrayant d’une nouvelle vie, d’un nouveau temps, sa conception de la non-vie tenait plutôt à celle que dépeignait son interlocuteur depuis tout à l’heure : beaucoup de détresse, un deuil continu, et l’envie d’en finir avec une vie qui avait déjà vu, dépassé et oublié sa propre fin. Vouloir être réanimé lui paraissait un raisonnement fondamentalement étrange, que Nashoba pourrait peut-être éclairer.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeLun 21 Fév - 13:24

"Imaginez vous.. endormir contre votre volonté... puis vous réveiller d'un coup pour découvrir que le monde que vous connaissez n'existe plus. Je suis désorienté, et je suis en deuil. Ce n'est pas un état idéal pour créer.
- Ce qui n'a sûrement pas été un problème pour le courageux descendant qui vous a réanimé pour vos beaux yeux, j’en suis sûr."


Nashoba sentit quelque chose à l'intérieur de lui se tendre comme un fil de coton. L'effort était tel qu'il risquait une rupture à tout moment. Le zombi était dangereusement proche d'enfreindre les règles que lui avait imposé Angus, et la magie qui le reliait à son réanimateur n'allait pas le laisser faire. Il répugnait à répondre. Il aurait voulu laisser un silence aussi long que lourd de sens s'installer, mais il n'avait pas ce luxe. Il avait perdu son libre arbitre à l'instant même où il était revenu à la vie.

Ce n'était pas entièrement vrai. La mort vous privait déjà d'une part de liberté. Nashoba n'avait aucun souvenir de l'Outremonde, comme tous ceux dont l'âme revenait pour être réinjectée dans leurs cadavres, mais il restait au moins sûr de cela. Est-ce que cela l'amenait à relativiser son statut de réanimé ? Absolument pas, car ça ne changeait rien à ce qu'il venait d'expliquer.

"Angus savait que mon retour n'allait pas être facile et que j'allais être surpris qu'il soit si tardif. C'était assez maladroit de sa part, mais en l'absence d'instructions... Je veux dire, de leur "date de péremption", rien ne disait que je ne lui serais pas reconnaissant d'avoir voulu m'offrir une seconde chance."

Nashoba avait envie de vomir - autant que faire se pouvait considérant le corps exempt de sensations qu'il habitait. Il ne voulait pas protéger l'ordure à cause de laquelle il avait été arraché au sommeil éternel. Il ne voulait pas lui trouver d'excuses. Angus ne voyait que son intérêt personnel. Il se fichait de ce que Nashoba ressentait. Tout ce qui l'intéressait, c'était les savoirs cachés dans les archives que le zombi était devenu incapable de décoder et l'argent qu'il pouvait se faire sur son dos. Angus exploitait Nashoba de toutes les façons qu'il pouvait, il l'essorait, le drainait comme une sorte de poule aux oeufs d'or faisandée.

L'ancien écrivain aurait voulu pouvoir expliquer tout cela en détail à son interlocuteur plutôt que de le regarder en silence comme il le faisait maintenant, avec aux lèvres un sourire bienveillant qui ne disait rien de la tempête intérieure qu'il traversait. Cyan remarquerait-il la façon peu naturelle dont Nashoba s'était figé ? L'avait-il assez bien cerné, durant cette courte discussion, pour remarquer qu'il n'était plus vraiment lui-même en cet instant ? Il n'était plus qu'une coquille vide, une façade qu'Angus avait soigneusement construite, en laquelle il l'avait modelé pour assurer ses arrières.

Le zombi se réanima - sans mauvais jeu de mots - au moment où il changea le sujet de la conversation. Sa langue n'était dès lors plus liée.

"Votre style a encore de quoi attirer l’œil et l’oreille, et ça ne serait pas la première fois que la mode reviendrait sur ses pas."

Le mort-vivant se contenta d'un sourire triste sous un regard fuyant. Il émit un discret bruit de gorge, reconnaissant mais sceptique. Il n'y croyait pas une seconde. Il y avait des limites à ce que la mode était capable de faire revenir. On pouvait raviver des braises lorsqu'elles étaient encore chaudes, mais celles-ci étaient éteintes depuis longtemps. Il était vrai que ses vieux écrits se vendaient bien ces derniers temps, et au-delà des cercles universitaires habituels. Ca ne durerait pas longtemps. C'était de la curiosité de la part du grand public. Qu'on ranime un zombi aussi vieux que lui n'était pas courant. Sa carrière dans le mannequinat lui offrait une large visibilité, ce qui boostait le phénomène dont les finances d'Angus profitaient.

Le soufflé ne tarderait pas à retomber, Nashoba en était certain. Et ça serait bien fait pour Angus.

Plus la discussion allait, plus elle devenait profonde. Il était désormais question des problèmes rencontrés par les outres - et par d'autres minorités - au fil des époques. Ces questions touchaient beaucoup Nashoba en tant que vodoun certes mais aussi en tant que natif franco-choctaw.

"J’aimerais bien. Les superstitions sont multiformes, comme les jugements barbares, et l’époque moderne en a à sa propre sauce."

Il hocha la tête pour approuver. La précision du libraire n'était pas incompatible avec ce que Nashoba venait de dire, cela résumait même là où il avait voulu en venir, peut-être à une nuance près.

"Je n'ai évidemment pas encore tout pu rattraper, mais j'ai lu certaines des choses absurdes qui sont arrivées durant ma mort. Par ailleurs, les époques qui ont suivi la mienne n'ont pas été clémentes avec mon peuple. Ces jours, nous sommes à peine plus que des étrangers sur nos propres terres, ce qui s'exprime même au niveau administratif. C'est un sentiment... Amer."

Il marqua une brève pause et décida qu'il n'avait pas envie d'expliciter plus avant sa pensée. Il avait l'impression d'avoir été suffisamment clair.

"Nous sommes à nouveau dans un monde crédule, et le secret ne nous protège plus. Pour les outres, indépendamment de ce qu'elles sont d'autres, c'est probablement joindre le pire des deux mondes..."

L'expression de Nashoba était très lente car il lui fallait toujours beaucoup réfléchir pour être en mesure de former des phrases aussi complexes en anglais, mais le mort-vivant n'y accordait plus une telle attention, absorbé comme il l'était dans ses pensées. Ce fut Artémis qui l'en tira en lui présentant des condoléances qui touchèrent le zombi droit au cœur. Ses yeux cherchèrent ceux du vieil homme et il lui répondit presque aussitôt en lui retournant la sincérité appréciable qu'il avait non seulement décelé dans ses mots, mais aussi dans son attitude et dans le ton de sa voix :

"Merci."

... Et c'est à ce moment que quelque chose dérapa à nouveau. Dans d'autres circonstances, Nashoba aurait trouvé le sujet de conversation passionnant. Il aurait adoré parler dans le détail de son point de vue sur la réanimation, et de la façon dont il vivait sa propre expérience du sujet. Malheureusement, il était condamné à ne pouvoir en exprimer que trop peu. C'était frustrant. C'était douloureux.

" Si je peux me permettre une question indiscrète… vous étiez pratiquant Vaudoun. Vous priiez les Loas, vous rappeliez les morts. Être un zombi fait partie de vos croyances. Vous vous attendiez à autre chose, en revenant à la vie ? Les problèmes que vous soulevez sont compréhensibles : pourquoi vouloir risquer la réanimation, dès lors ?"

Comme Cyan lui posait une colle, Nashoba se contenta pendant quelques secondes de le fixer sans rien dire. La tension intérieure qu'il devait à la magie d'Angus se manifesta à nouveau, de même que l'urgence de répondre quelque chose :

"... Comment l'expliquer."
Voilà qui lui offrait un peu de temps supplémentaire.

"Vous l'avez bien exprimé... Dans les familles vodouns, la réanimation est la norme. On s'attend presque à s'endormir un soir pour se réveiller sous les traits d'un mort-vivant. Il y a des inconvénients, mais il est sans doute plus facile de s'en remettre lorsqu'on revient entouré de sa famille et dans un univers qui n'est pas différent de celui qu'on a quitté. Ce qui est sûr, c'est que je ne m'attendais pas à revenir près de trois siècles après ma mort."

Amer, Nashoba baissa les yeux. Plutôt que d'utiliser pour la seconde fois l'excuse du trop de temps passé entre sa mort et son retour, il aurait voulu en dire tellement plus... Pouvait-il en dire un peu plus ? La magie d'Angus le laisserait t-il faire, s'il tentait innocemment de changer le sujet de la conversation... Mais sans rompre une sorte de fil rouge que Cyan parviendrait peut-être à suivre ?

"... Je ne suis pas vraiment né dans une famille vodoun standard. Ma mère a été chassée de sa maison parce qu'elle manifestait des pouvoirs impies, qu'elle devait à ce que sa famille voyait comme des ascendances honteuses. Elle a fui dans le village où je suis né, et elle a reçu tardivement l'éducation d'un vieil homme nommé Shango, un ancien esclave que les miens ont aussi recueilli. Je le voyais comme mon grand-père... Il a longtemps été mon seul véritable lien avec la culture vaudou."

Il hésita. Il avait l'impression de charger son interlocuteur avec bien trop d'informations difficiles à entendre. Mais c'était ça, ou bien ne rien dire du tout. Nashoba n'avait que ce moyen pour tenter d'exprimer plus clairement son avis sur la question de la réanimation.

"Ma mère est morte quand j'étais encore assez jeune, du moins selon votre vision actuelle des choses. Saviez-vous qu'il n'est pas toujours possible de réanimer quelqu'un, même lorsqu'on s'y prend correctement ? Parfois, l'exercice échoue, sans qu'on sache vraiment expliquer pourquoi. Ca pourrait être un caprice des loas, mais il semble en tous les cas y avoir des profils particuliers, des profils à risque. Ma mère était un peu particulière. J'étais très triste de son départ. J'ai tenté le rituel et ça n'a pas fonctionné. C'était la seule et unique fois où j'ai tenté de relever un zombi."

Cela disait quelque chose sur sa frilosité (au bas mot) concernant cette pratique.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeVen 24 Juin - 19:53

Être Grand Mage avait été une expérience intrigante, pour Cyan. Au cours de sa vie, il s’était plutôt tenu à l’écart des piliers communautaires, vaquant d’une ville à l’autre selon son envie. Lorsqu’il avait fini par trouver la Nouvelle Orléans et qu’il s’était enfin installé, il avait commencé à se lier au groupe local de Wiccan, à leur terre. Il n’aurait jamais deviné jusqu’où cette connexion irait. Lorsqu’ils l’avaient sacré Grand Mage, ils lui avaient ouvert les yeux. C’était encore nouveau, et quelque chose qu’il ne contrôlait pas toujours – qui ne se contrôlait pas du tout, d’ailleurs, d’après ses correspondances avec d’autres têtes communautaires – mais il apprenait, pas à pas. Parfois, il savait déjà comment utiliser ses nouveaux dons : il ne le comprenait seulement qu’après coup.

Le premier blocage de Nashoba lui était passé au-dessus de la tête. Tout attentif qu’il soit, il s’adressait à un poète zombi dont la langue maternelle n’était pas l’anglais : il n’aurait pas pu le lire aussi bien qu’il aurait voulu. Il avait laissé la conversation glisser d’elle-même, arborant un visage patient et intéressé tout du long. Puis, par hasard, il avait relancé la question de la résurrection, et s’était retrouvé face à un deuxième blocage.
C’était très discret. Sans son office, Cyan serait probablement passé à côté. Pourtant, quelque chose dans la réponse de Nashoba déclencha une poignée d’alarmes mentales et le vieil homme se redressa imperceptiblement sur sa chaise.

"... Comment l'expliquer."

Ça avait quelque chose à voir avec son expression faciale. Ses yeux, peut-être ? L’intonation de sa voix ?

"Vous l'avez bien exprimé... Dans les familles vodouns, la réanimation est la norme. On s'attend presque à s'endormir un soir pour se réveiller sous les traits d'un mort-vivant. Il y a des inconvénients, mais il est sans doute plus facile de s'en remettre lorsqu'on revient entouré de sa famille et dans un univers qui n'est pas différent de celui qu'on a quitté. Ce qui est sûr, c'est que je ne m'attendais pas à revenir près de trois siècles après ma mort."

Il nota les légers ronds de jambes, les formulations qui auraient pu être de lointaines cousines de celles de l’ancien Sénateur de Louisianne quand il se trouvait face à Elsa Pullitzer, la dernière phrase à très léger double-sens mais les ignora pour le moment. Toutes ces observations étaient valides mais elles ne tenaient pas debout par elle-mêmes. Il les relevait parce que quelque chose d’autre – quelque chose de plus viscéral, de plus instinctif et de beaucoup moins rationnel – l’avait pris au dépourvu. Mais quoi ?

"... Je ne suis pas vraiment né dans une famille vodoun standard. Ma mère a été chassée de sa maison parce qu'elle manifestait des pouvoirs impies, qu'elle devait à ce que sa famille voyait comme des ascendances honteuses. Elle a fui dans le village où je suis né, et elle a reçu tardivement l'éducation d'un vieil homme nommé Shango, un ancien esclave que les miens ont aussi recueilli. Je le voyais comme mon grand-père... Il a longtemps été mon seul véritable lien avec la culture vaudou."

Cyan ne perdait pas une miette de la discussion. D’ailleurs, il avait complètement abandonné son livre et sa tasse de thé.

"Ma mère est morte quand j'étais encore assez jeune, du moins selon votre vision actuelle des choses. Saviez-vous qu'il n'est pas toujours possible de réanimer quelqu'un, même lorsqu'on s'y prend correctement ? Parfois, l'exercice échoue, sans qu'on sache vraiment expliquer pourquoi. Ca pourrait être un caprice des loas, mais il semble en tous les cas y avoir des profils particuliers, des profils à risque. Ma mère était un peu particulière. J'étais très triste de son départ. J'ai tenté le rituel et ça n'a pas fonctionné. C'était la seule et unique fois où j'ai tenté de relever un zombi."

Il était familier avec ces histoires de résurrection impossible, à petite dose. Il était en revanche beaucoup moins familier avec cet élément visiblement capital de la biographie de son interlocuteur : c’était un réanimateur qui ne réanimait pas. Cyan prit l’info au vol et se laissa aller dans son fauteuil, le temps de laisser les ramifications de ce constat ouvrir d'autres portes.
Quelque chose n’allait pas. Il en était convaincu, sans vraiment savoir pourquoi. Il aurait pu poser la question frontalement, mais quelque chose lui disait qu'il ne valait mieux pas - et de toutes façons, ça ruinait tout l'intérêt du puzzle. Autant continuer à gratter délicatement autour de cette chose étrange et indéfinie qui l’interrogeait tant, comme un archéologue qui déterre un os au pinceau.
Lorsqu’il reprit la parole, son silence avait été suffisamment court pour passer pour le silence poli de quelqu’un qui fait preuve de respect quand quelqu’un d’autre annonce qu’il a perdu un être cher. C’était un prétexte parfait pour expliquer la construction silencieuse de son nouveau plan d’attaque.

 « Je sais qu’il existe des savants des arts vaudous. Vous me parliez de votre grand-père, faute d’un meilleur terme, et de l’aspect plus technique de la résurrection. Pardonnez ma curiosité et n’hésitez surtout pas à couper la conversation si je vous ennuie, mais je me demandais : avez-vous constaté beaucoup d’évolution des pratiques vaudous, depuis votre époque ? Des mystères qui auraient été expliqués, de nouveaux rituels ? Vous vous y connaissez beaucoup, en vaudou, ou est-ce la religion d'un proche que vous avez repris par familiarité ? »

Cyan parlait toujours doucement. Il ne comptait pas brusquer le zombie, préférant poser ses questions tranquillement, une par une. C'était un moyen de le lancer sur sa religion de manière légèrement détourné, tout laissant son intuition suivre les miettes de pain parsemées dans la conversation et qui finiraient par mener à une explication de cette chose qui n'allait pas mais qu'il ne sentait plus pour le moment.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeMer 29 Juin - 16:43

Nashoba tourna lentement son regard sur le vieil homme. De la part d'un zombi, ce manque de réactivité n'était pas nécessairement étonnant. Cela dit, l'écrivain faisait une grande consommation de Brain Juice au quotidien. Le geste n'était donc pas naturel. Il était surpris de l'intérêt que portait le libraire à son expérience d'ancien vodoun. Surpris, aussi, de la spécificité des questions posées. Nashoba n'aurait pas pensé que ses arts pouvaient importer à quiconque n'était pas initié au vaudou. Pas avec un tel souci du détail, du moins.

Ca ne dérangeait pas le zombi de répondre à ces questions. Il n'était pas question d'Angus ni des intérêts directs qu'il tirait de la réanimation de Nashoba, si bien que l'écrivain n'éprouvait aucun inconfort à parler. Sa langue n'était actuellement pas liée. Pas tant qu'il évitait d'aborder les sujets qui fâchaient.

Nashoba esquissa un sourire timide. Il se rendait compte que cela lui faisait plaisir d'aborder tous ça avec quelqu'un qui se montrait aussi attentif, patient, et qui voyait en lui autre chose que la vedette mort-vivante qu'on affichait partout dans la rue et dans les magazines. Nashoba considérait qu'il ne lui restait plus que son passé. Être en mesure d'en discuter dans un cadre confidentiel lui faisait du bien. Il ne l'aurait pas imaginé... Et pourtant.

Une fois de plus, Nashoba prit son temps pour répondre. Son anglais n'était pas fluide. Pour faire des phrases complexes, il fallait donc qu'il prenne des pauses, qu'il s'arrête longuement pour réfléchir.

"Je ne suis de retour que depuis peu de temps et je n'ai probablement pas une vision très juste de ce que sont devenus les arts vaudous à votre époque. Mais ce que je sais, c'est que toutes les magies sont différentes, selon les endroits où elles sont pratiquées..."

Toujours un peu souriant, le zombi leva les yeux au plafond. Il voyait son village, les chamanes et Shango parmi eux. Les chasseurs qui rentraient forts de leurs réussites de la journée. Les contes et les histoires transmises d'une génération à l'autre afin que perdurent les croyances et les traditions.

"D'où je viens, les magies n'étaient pas clivées comme elles peuvent l'être dans vos cultures les plus répandues. Shango et ma mère ont été accueillis comme des chamans parmi les autres. La vie et la mort ne sont que deux facettes d'une même pièce. Nos croyances et nos pratiques n'étaient pas incompatibles mais plutôt complémentaires. Nous nous adressions à des esprits différents et nous manipulions soit la matière, soit l'esprit, mais... Je ne sais pas comment l'expliquer autrement. Les chamans étaient des chamans, peu importe les énergies qu'ils invoquaient."

Le chamanisme choctaw pratiqué par la tribu de Nashoba accueillait ce qu'on appelait des wiccans autant que ce qu'on appelait des vodouns au sein d'une religion relativement syncrétique. De nombreux parallèles pouvaient aussi être faits entre les figures invoquées. On avait beaucoup de respect pour les esprits qui se manifestaient dans le monde physique. On en avait tout autant pour les morts et pour les gardiens de leur au-delà.

"Ma religion est celle de ma tribu. Nous vivions en harmonie, mais je dois admettre que certaines pratiques étaient mal considérées. La Réanimation nous semblait dangereuse. Nous craignons que les âmes de nos morts soient tirées du Terrain de chasse... C'est le nom de notre outremonde. Nous craignions qu'ensuite, elles ne soient plus capables d'en retrouver le chemin. Nous avions aussi peur que cette pratique puisse invoquer Na-lusa-chi-to, le Mangeur d'Âmes, et Shango lui-même malgré ses origines différentes se demandait si cet esprit qui nous terrifiait ne pouvait pas être l'un des visages du Baron Samedi... Je n'ai pas reçu l'approbation de grand monde quand j'ai tenté de réanimer ma mère. C'était un acte désespéré, causé par une grande souffrance."

Il se rendit compte qu'il avait été imprudent. Quelque chose en lui tirait. Angus... Il était obligé de dire quelque chose pour sauver les apparences. S'il restait là-dessus, le libraire allait forcément se demander pourquoi Nashoba avait laissé à ses descendants le droit de le réanimer.

"... C'était avant que je parte vivre à la Nouvelle-Orléans. J'y ai découvert d'autres cultures. Celle de ma mère. Celle de Shango. Qui suis-je pour les juger ? Je suis toujours resté proche de mes origines et je me suis donc toujours beaucoup méfié de la Réanimation, mais ça ne vaut que pour moi. Vous me demandiez si je m'y connaissais en vaudou : la réponse est oui, mais mes pratiques étaient légèrement différentes pour les raisons que j'ai déjà évoquées. Comme j'ai rejoint les cercles vaudous de la Nouvelle-Orléans, je me suis cependant inspiré de ce qui se faisait là-bas aussi."

Une longue pause. Regard terne. Que pouvait-il dire ? Il y avait deux problèmes : De un, certains détails pouvaient effectivement mettre la puce à l'oreille de Cyan quant aux motivation d'Angus, de deux, les souvenirs de Nashoba étaient extrêmement flous. Il lui était presque impossible de parler dans le détail de ses pratiques, et de ce qu'il avait découvert quand il était encore vivant.

"... A votre époque, il y a eu cette Révélation concernant l'Outremonde. Je ne sais pas si d'autres grands mystères ont été révélés. Est-ce qu'à l'inverse nous en avons perdu lorsque les pratiques hybrides telles que celles des miens ont été oubliées ? Je suis bien incapable de vous le dire... Malheureusement, relever des morts aussi anciens que je le suis comporte des risques. Il y a beaucoup de choses dont je ne me souviens plus."

Est-ce que c'était déjà trop ? Peut-être. Est-ce qu'il s'en souciait vraiment ? Nashoba en vint à la conclusion que non. Il détestait Angus et ne le couvrait que parce que leur lien de réanimateur à réanimé l'y obligeait. Tant qu'il n'y avait pas ce pincement intérieur qui l'obligeait à prendre le parti de son affreux descendant, il n'avait pas à le faire.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeMer 29 Juin - 19:21

Ogier d’Ivry était un mystère à part entière, qui captivait Cyan. Il avait été intrigué par ce zombi qui se cachait au rayon poésie, qui avait été ramené d’entre les morts bien après les habitudes des Réanimateurs, qui semblait emprunt d’une lassitude et d’une tristesse qui n’allait pas à son visage. Le vieil homme avait jonglé entre ses récits, intéressé par quelque chose qu’il n’arrivait pas à nommer précisément, se déplaçant à travers leurs échanges comme devant un puzzle en morceaux étalés sur une table. Il était intrigué, patient, engageant dans la conversation. Son visage ne montrait pas la moindre ombre d’agacement quand le zombi butait sur des mots, et il souriait ou hochait la tête de temps à autre pour l’encourager à continuer.
Puis, le zombi s’était mis à parler de magie.
Le vieil homme s’était penché un peu plus dans son siège – pas de beaucoup, mais juste assez pour qu’une étincelle de curiosité vive passe dans ses prunelles. C’était le même intérêt délicat qu’auparavant, mais avec une petit dose d’intensité supplémentaire.

- Des pratiques wiccanes et vodounes dans les mêmes groupes sociaux. Au vu du rejet de certains pour les réanimations, l’idée semble presque impossible.

Il en avait entendu parlé, évidemment. Il avait connu des historiens qui s’arrachaient cheveux et sourcils pour définir le passé des deux types d’Outres, assisté à des débats houleux entre ceux qui défendaient que les Amérindiens étaient Wiccans et ceux qui beuglaient le contraire. Il avait aussi lu les travaux qui allaient dans le sens d’une union des deux, et avait rencontré des Wiccans amérindiens. Discuter avec quelqu’un qui avait vécu à cette époque était une autre paire de manches.

- Est-ce que les esprits communiquaient aux deux, de la même façon ? Nous avons des dieux, aujourd’hui, mais le fait qu’ils s’adressent directement à nous est rare. Très rare. Les Loas sont plus… bavards, de ce que j’ai pu comprendre.

Des questions diverses fusaient derrière ses yeux. Son regard dériva vers l’air et le vide, mais toute son attention était encore clairement tournée vers son interlocuteur. Des pratiques hybrides. Des magies perdues. Ça n’était pas le bon côté du globe, mais ça méritait de tenter le coup.

- Est-ce que vous vous rappelez des magies que pratiquaient les… chamans de votre tribu ? Ceux qui pratiquaient la magie que pratiquent les Wiccans.

Au milieu de ses questions et de ses considérations, une en particulier pointa le bout de son nez. Elle se noya au milieu des autres.

- Les esprits qu’ils appelaient, venaient-ils dans notre monde comme les Loas, ou les chamans partaient-ils dans leur monde ? D’ailleurs, c’est un a priori. Peut-être que vous rencontriez les Loas ailleurs que sur le plan matériel ?

Le premier sujet en entraîna un autre, qui en entraîna un autre. C’était une cascade de questions, qui pourtant étaient posées doucement. Cyan était avide de réponse et sa curiosité se lisait sur son visage, mais il n’en restait pas moins relativement calme. Ses intonations restaient paisibles et il prenait le temps de s’exprimer, quitte à répéter certains termes pour le zombi. Fut un temps, cette flamme de curiosité avait été un brasier, prêt à tout prendre le plus vite possible : il ne l’avait jamais vraiment éteint. Au mieux, il avait appris à le canaliser, à le manier avec intention et intensité.

- Vous avez suivi la religion de votre tribu, mais vous étiez pratiquant. Hougan, pour reprendre le terme local. Si vous me permettez la question, que faisiez-vous si ce n’est pas de la réanimation ? Pratiquiez-vous par effet sociétal, rituel, ou pour autre chose de plus personnel ?

Sa considération noyée refit laborieusement surface. Elle joua des coudes, de ses dents et de ses griffes, puis retomba dans le tumulte des pensées du vieil homme.
Un léger sourire d’excuse étira ses lèvres.

- Pardon. Vous me dîtes que votre mémoire vous fait défaut, et je vous presse avec mes questions.

Il y eut un temps de silence, comme si la curiosité du libraire reprenait son souffle. L’idée noyée en profita pour émerger, triomphante, et s’imposer à lui.
Il y eut un temps de silence un peu mal ajusté, comme le silence d'un orage qui hésite à se lancer.

-  Est-ce une amnésie temporaire ? Y a-t-il un moyen de la combattre ? Vous semblez vous souvenir relativement bien de vos proches, pourtant.

L’idée qui n’arrivait pas à s’ancrer, elle, glissa à nouveau et fut avalée par le reste des considérations du vieil homme.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeMer 2 Nov - 9:51

La discussion était devenue particulièrement animée, passionnée - autant que le permettait le manque de vocabulaire anglais du zombi, qui continuait d'hésiter sur les mots et de se tromper dans ses formulations, parfois. Nashoba se prenait au jeu au même titre que Cyan, si bien qu'il avait refermé le livre qu'on lui avait prêté pour le poser sur ses genoux.

"Des pratiques wiccanes et vodounes dans les mêmes groupes sociaux. Au vu du rejet de certains pour les réanimations, l’idée semble presque impossible."

Avec un sourire léger, le zombi sembla bon de préciser encore, allant dans le sens de Cyan sans comprendre, peut-être, la nuance que le wiccan ne saisissait pas lui-même :

"La Réanimation n'était pas un acte que nous voyions d'un bon œil, en effet. Mais cela n'empêchait rien, ce n'était qu'un détail tant qu'elle n'était pas pratiquée."

"Est-ce que les esprits communiquaient aux deux, de la même façon ? Nous avons des dieux, aujourd’hui, mais le fait qu’ils s’adressent directement à nous est rare. Très rare. Les Loas sont plus… bavards, de ce que j’ai pu comprendre."

Il hocha la tête en signe de négation et se fit un plaisir de répondre aux questions. De tout cela, il se souvenait.

"Non. La communication directe avec les esprits est l'apanage des vodouns, des chamans reliés au Terrain de chasse. Les chamans manipulant l'énergie vitale faisaient de nombreux rituels mais les esprits ne communiquaient avec eux qu'en répondant par la matière à leurs demandes. Leurs pratiques étaient généralement séparées mais il était possible d'œuvrer à un but commun en multipliant les rituels et en rendant leurs résultats complémentaires."

"Est-ce que vous vous rappelez des magies que pratiquaient les… chamans de votre tribu ? Ceux qui pratiquaient la magie que pratiquent les Wiccans."

"C'était une magie rituelle complexe. Je n'y étais pas formé, même si j'en ai étudié quelques aspects afin de les réinjecter de façon très détournée dans mes pratiques... Parfois les chamans que vous nommeriez wiccans s'inspiraient de nos pratiques aussi. Je suis désolé. Cela fait partie de mes souvenirs détériorés, le détail m'échappe. On parlait de chamans spéciaux parmi les 'wiccans'... Ils étaient craints, mais respectés. Ils étaient reliés aux Terrain de Chasse presque autant qu'aux autre énergies qu'ils manipulaient. Ils étaient de grands combattants, mais je n'en ai pas connu."

"Les esprits qu’ils appelaient, venaient-ils dans notre monde comme les Loas, ou les chamans partaient-ils dans leur monde ? D’ailleurs, c’est un a priori. Peut-être que vous rencontriez les Loas ailleurs que sur le plan matériel ?"

Perturbé, Nashoba mit un temps à répondre.

"Les chamans que vous nommeriez wiccans étaient fermement ancrés à ce monde, je ne me souviens pas les avoir vus partir ailleurs ni avoir entendu dire qu'ils le pouvaient. Quant aux chamans reliés au Terrain de Chasse... Notre communication était comme pour les vodouns actuels ancrée sur le spirituel, même si nos pratiques différaient légèrement du fait de nos cultures différenciées. La seule manière dont les loas venaient dans le plan physique était en nous chevauchant. En nous... possédant, dirait-on hors de notre communauté."

"Vous avez suivi la religion de votre tribu, mais vous étiez pratiquant. Hougan, pour reprendre le terme local. Si vous me permettez la question, que faisiez-vous si ce n’est pas de la réanimation ? Pratiquiez-vous par effet sociétal, rituel, ou pour autre chose de plus personnel ?"

Cette fois Nashoba était ouvertement perplexe alors qu'il fixait Cyan. Il se demanda à quel point le vieil homme connaissait l'univers dans lequel évoluait les vodouns même contemporains pour poser ce genre de questions. Il était légèrement embarrassé, surpris peut-être, mais il n'en prenait pas ombrage. C'était étonnant qu'une personne comme ce libraire, qui lui semblait si cultivé, résume les pratiques vodouns à celle de la Réanimation qui n'en était qu'un aspect, certes impressionnant.

"Votre question est étrange car les vodouns même à ce jour ne pratiquent la Réanimation que de façon occasionnelle... Leur magie leur permet avant tout de communiquer avec les loas, et par leur intermédiaire avec les morts. Les loas lorsque nous les appelons nous permettent aussi de créer des charmes, des... gris-gris. Des poupées. Des bénédictions ou des malédictions, des sorts qui certes se cantonnent au domaine de l'âme, de l'esprit, mais qui n'en sont pas moins efficaces. Nous faisions... Et je faisais de même. La communication avec les esprits des anciens était un pan important de nos activités. Et puis de façon personnelle je vous l'ai expliqué j'ai tenté de mêler plus avant les rituels 'wiccans' à ceux que pratiquaient mes ancêtres vodouns mais..."

Mais il ne se souvenait pas. Il ne se rappelait de rien. Cyan sembla d'un coup s'en préoccuper :

"Pardon. Vous me dîtes que votre mémoire vous fait défaut, et je vous presse avec mes questions.
- Non... ne vous inquiétez pas. C'est très intéressant d'en parler, même si je ne me souviens pas de tout."

Un sourire affable accompagna le commentaire. Nashoba était sincère. Il n'avait pas passé un aussi bon moment depuis... très... très... très longtemps.

"Est-ce une amnésie temporaire ? Y a-t-il un moyen de la combattre ? Vous semblez vous souvenir relativement bien de vos proches, pourtant."

Le regard du zombi se noya dans le vide avant qu'il ne réponde.

"Je... Je n'en sais rien. C'est la conséquence de ma réanimation tardive. Parfois, il y a des effets secondaires. Mon amnésie en est un. Cela aurait pu toucher n'importe lesquels de mes souvenirs... Ce sont mes recherches en termes de magie qui se sont perdues dans les limbes."

Il était bien incapable de dire pourquoi. C'était sans doute le fruit du hasard.
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MessageSujet: Re: Plume bleue et Plume bloquée   Plume bleue et Plume bloquée Icon_minitimeMar 15 Nov - 14:57

Le vieil homme buvait ses paroles. Son air intéressé n’avait pas changé et la douce intensité de son regard n’avais pas décru. Il prenait tout ce qu’il y avait à prendre et à apprendre. Dans le même temps, il notait quelques informations supplémentaires – celles qui ne traitaient pas directement de magie, mais d’autres choses.
Il prit un moment pour emmagasiner les réponses du poète avant de reprendre la parole.

- Désolé, ma question sonnait réductrice. Je comprends bien que vos pratiques impliquent d’autres domaines que la Réanimation : c’est simplement que à la Nouvelle-Orléans, à une époque où les morts marchent les rues, il est difficile d’imaginer une pratique vodoun qui verrait les zombis d’un mauvais œil.

Il s’attarda un peu sur les dernières mots. Un peu, seulement. Il n’avait pas encore de véritable doutes, seulement des soupçons, mais c’était déjà bien assez.

- Peut-être que les loas auraient l’explication de cette amnésie si précise. Du moins, je dis ça en profane : j’imagine que votre descendant y a déjà pensé.

Sous-entendu léger sur le fait qu’il y avait peu à parier que Nashoba ait été ramené à la vie juste pour le bonheur des connexions familiales. Le wiccan lança la pensée en l’air puis laissa son regard dériver – comme s’il avait dit ce qu’il souhaitait dire, sans attendre forcément de réponse. Son regard tomba sur sa tasse de thermos, abandonnée dans le feu de la discussion. La boisson avait tiédit.

- Par curiosité, pensez vous pouvoir, ou même vouloir le refaire ? Mêler nos rituels et les rituels vodouns.

Son ton n’était pas pressant. Au mieux, il était hypothétique : Cyan avait bien compris que la mémoire du zombie était faillible et il ne souhaitait pas le presser plus que ça. Le gobelet métallique claqua discrètement lorsqu’il le reposa. Il restait cordial et poli, sur le ton de la conversation. Il dévisagea un temps son interlocuteur, sans rien dire, puis inclina doucement la tête.

- En tous cas, c’est un plaisir de vous rencontrer, monsieur Ogier d’Ivry. Sincèrement.

C’était un personnage intriguant. Visiblement, Nashoba n’était pas « personne », pour peu que le terme fasse sens. C’était un poète aux écrits particuliers au croisement des cultures, certes, mais aussi visiblement un vodoun qui avait mené des recherches poussées sur les liens entre les diverses magies humaines. En connaissant sa faible pratique de la réanimation, il était difficile d’imaginer que son descendant ne l’ait ramené que parce que son ancêtre lui manquait – ou parce qu’il voulait lire plus de sa poésie. Et pourtant, le zombie défendait ses actions. Comment s’appelait-il, déjà ? Auguste ? Angus ?
Le lien de contrôle entre un zombie et son vodoun n’était pas un grand secret, et avait piqué la curiosité de Cyan. Il dévisagea un très bref moment le zombie, comme s’il pesait les pour et les contre d’une décision qu’il s’apprêtait à prendre. Un fin sourire fleurit sur ses lèvres.

- Au cas où, je préfère mettre des mots dessus : vous êtes le bienvenue à la Plume Bleue, ne serait-ce que pour profiter des fauteuils de l’arrière-boutique.

Le zombie lui était sympathique, et le vieil homme compatissait dans une moindre mesure à sa situation. Il serait ravi de rencontrer son vodoun, à l’occasion, pour vérifier ses suppositions et idéalement fourrer son nez là où on en voulait pas. Ravi.
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